Le 24 novembre 2021
- Avertissement : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Scénaristes : Emilie Gleason>, Melek Zertal>
- Dessinateurs : Émilie Gleason, Melek Zertal
- Genre : Humour
- Editeur : LES REQUINS MARTEAUX
- Date de sortie : 20 août 2021
- Plus d'informations : https://www.lesrequinsmarteaux.com/...
Deux nouveaux BD Cul des plus ré-jouissant.
Résumé : La collection BD Cul s’est enrichie dernièrement de deux nouveaux titres écrits et dessinés par deux jeunes autrices qui comptent parmi les talents émergeant de ces dernières années. Leur arrivée dans cette célèbre collection témoigne de son dynamisme et du terrain fertile qu’il représente pour plusieurs générations de dessinateurs. De fait, chaque ouvrage se révèle très différent des autres, les artistes déployant pleinement les possibles de leur art, proposant une interprétation singulière de la pornographie qui se révèle tour à tour à dominante graphique, narrative, poétique ou parodique. Ainsi, Melek Zetal et Emilie Gleason proposent chacune une œuvre novatrice et réjouissante à plus d’un titre.
Melek Zertal - Les requins marteaux
Commençons par Baby fesse, qui est sorti chronologiquement en premier. Melek Zertal y raconte l’incursion d’une jeune femme française à Los Angeles. Ses colocataires lui feront découvrir les joies du shoping, des petits boulots auprès de stars ou elle expérimentera par elle-même les plaisirs insondables des coffee shop. Cet album se construit ainsi par une succession de chapitres, chaque expérience donnant lieu à des séquences pornographiques aussi savoureuses qu’incongrues. Le récit passe d’une scène de plaisir solitaire ingénu (bien qu’en public) représenté avec beaucoup de subtilité, jouant sur les analogies figuratives et symboliques ainsi que sur le rythme saccadé des cases, à celle d’un coït réutilisant les codes de la pornographie telle qu’on se l’imagine, à force de gros plans. Bien que les registres narratifs des saynètes diffèrent, une même force poétique, caractéristique de l’autrice, plane sur chacune des planches. Même lorsque le sexe s’annonce bestial et débridé, il débute par une succession de baisers rendus avec une grande élégance, insistant sur la sensualité de ce rapport buccal et sur son emballement érotique qui mène au déchainement pornographique. Melek Zertal travaille ainsi la représentation du sexe dans son rapport sensible en usant autant que faire se peut du dispositif de la bande dessinée : certaines planches peuvent ainsi faire penser aux fulgurances de Crépax.
Melek Zertal - Les Requins Marteaux
Ces variations et expérimentations énonciatives s’observent aussi au niveau du dessin. Sur une même page, d’une case à l’autre, la dessinatrice emprunte alternativement un style réaliste et un autre plus caricatural jusqu’à opposer parfois un naturalisme photographique à un minimalisme typé manga. Ces fluctuations participent d’une revitalisation permanente de l’écriture, et s’accordent aux intensités émotionnelles vécues par la protagoniste.
Melek Zertal - Les Requins Marteaux
Après Sleepless, récit tout en subtilité et en poésie, Melek Zertal surprend avec ce BD Cul, mais on retrouve toute la sensibilité de l’autrice qui fait particulièrement mouche dans ce contexte de littérature pornographique.
Emilie Gleason - Les Requins Marteaux
De son côté, Emilie Gleason offre un récit débridé absolument hilarant. Elle imagine une arche de Noé déjanté où humains et animaux copulent joyeusement ensemble. Mais après le déluge, Sem, qui à l’origine est un garçon mais qui se trouve être ici la fille d’un Noé érotomane, entend la parole divine qui l’intime de donner naissance à un enfant pour perpétuer la race humaine. Elle se démène alors pour trouver dans des landes désertiques un géniteur viable, fuyant les avances d’un père furieux aux ambitions incestueuses et enchainant les rencontres désastreuses.
Emilie Gleason - Les Requins Marteaux
L’origine du monstre est un véritable régal de BD Cul, peut-être un des plus fous et des plus rafraichissants. Clairement, l’érotisme joue sur un mode mineur et Emilie Gleason prend davantage la direction de l’outrance réjouissante (la zoophilie y est omniprésente) et du récit mené à bâtons rompus. Les gags, visuels et textuels, se cachent dans toutes les cases et l’on ressent un véritable plaisir communicatif à réaliser les dessins de cette bande dessinée. L’humour est trash, vulgaire, mais efficace et festif ! Plus encore, elle déploie dans cet album des qualités graphiques étonnantes. Certes l’autrice semble particulièrement à l’aise dans le dessin et s’amuse avec les différents faciès et déformations morphologiques de ses personnages, mais plus encore, elle développe un travail pictural saisissant : sous le trait qui dessine les corps et les décors, la pulsation de la peinture imprime une énergie encore plus frénétique. Les coups de pinceau affleurent, s’étalent à grands gestes et dépassent allègrement. De même les couleurs détonnent et se détournent ne leur potentielle connotation. Un véritable travail pictural se met à jour et, au lieu de lutter avec la figuration, la renforce et l’intensifie. Le pinceau participe pleinement à la bonne humeur qui s’incarne dans chaque case. Emilie Gleason dépeint donc à grand coup et avec fougue le récit d’une femme libérée, déchainée, belle dans son intégrité et dans sa bienveillance.
Emilie Gleason - Les Requins Marteaux
Ainsi, sans vraiment le revendiquer, sans l’être à proprement parler (politiquement s’entend), ces deux œuvres révèlent une essence féministe. Les deux autrices réalisent des portraits de femmes qui dévient des canons classiques de la beauté tout en irradiant d’érotisme, qui ne s’en laissent pas compter et laissent éclater la force de leur autonomie, qui ne se conforment pas nécessairement aux représentations d’une sexualité normée que l’on retrouve dans la majorité des œuvres de fiction, dans des histoires où le masculin est présent dans sa gaucherie, dans son incompétence ou dans l’incarnation de sa violence. Mais bien qu’au centre des récits, ces thématiques demeurent sous-jacentes. Avec humour, Emilie Gleason et Melek Zertal rompent avec les normes, innovent, stimulent, excitent et interrogent : elles redéfinissent l’érotisme en présentant leur conception personnelle de ce genre. Sans forcément en avoir l’air, ces deux BD Cul œuvrent à faire de la bande dessinée un espace d’ouverture et d’effondrement des stéréotypes.
Baby Fesse : 184 pages - 14 €
L’origine du monstre : 160 pages - 14 €
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Galerie Photos
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