Le 22 mars 2020
"Sois un homme", un spectacle en attente d’avenir, pour devenir à part entière. Nous avons rencontré son directeur artistique.
- Metteur en scène : Vincent Ecrepon
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Résumé : Vincent Ecrepont , un poète de l’humain et de la parole créatrice.
Rencontre : Vincent Ecrepont , auteur et metteur en scène, est depuis 1990 directeur artistique de sa propre Compagnie " à vrai dire". Il se forme au Conservatoire Supérieur de Grenoble auprès de Chantal Morel, après des études universitaires.
Son théâtre est résolument engagé dans son époque et privilégie la parole des autres, celle qui crée la pensée de l’intime et qui questionne finement l’humain, avec ses espoirs, ses dérives, ses échecs, ses victoires.
Vincent Ecrepont est également à l’origine de nombreux projets de créations et de formation. Au Liban notamment et en Egypte. Il mène en parallèle des sessions de formation dans différents Instituts Français à l’étranger.
Depuis 2006, il alterne aussi les mises en scène d’auteurs contemporains tels que Jean-Luc Lagarce, Lars Noren, Hervé Guibert, Jean Genet, Boris Vian, Philippe Dorin ou encore Jean-Claude Grumberg, avec celles de ses propres textes.
Sa Compagnie est implantée dans l’Oise depuis 1998 et depuis 2014, Vincent Ecrepont est auteur et metteur en scène associé à la Comédie de Picardie-Amiens.
Sa première pièce, "La Chambre 100" a obtenu en 2006 le prix de la meilleure création culturelle décerné par la FHF et a été présentée en France et en Belgique pour 110 représentations.
Son avant dernière pièce, "Être là" proposée l’an dernier au Festival d’Avignon questionnait le vieillissement de nos propres parents et la difficulté d’être à leurs côtés à ces moments-là.
En résonance avec son travail de création, il organise aussi des ateliers d’écriture auprès des personnes qui vivent en milieu carcéral ou hospitalier et a mené un atelier au sein de la MPPA /Saint-Blaise, lié à la Ville de Paris.
Au terme de cet Atelier, une création avec les participants amateurs a été mise sur pieds à l’Auditorium de St Germain des Près à Paris, " On passe à table".
B.C : Pourriez-vous définir précisément votre théâtre ?
V.E : J’aime le théâtre du réel et de la parole des autres. J’organise notamment des ateliers d’écriture au cours desquels je récolte des paroles d’ados, mais aussi de parents. Ce sont à la fois des témoignages ou des paroles recueillies ici et là. Et tout cela est ma matière à penser et à créer.
Mon théâtre encore une fois est celui de la parole, celle qui provoque la pensée collective.
Mais loin de moi l’idée de détenir LA vérité. Je propose, c’est tout. Et je pense fortement que l’oeuvre singulière est bien plus nécessaire que les produits formatés de toutes pièces que annihilent la pensée.
Je ne propose pas de "prêt-à-penser", surtout pas. Mes lecteurs, tout comme le public, retiennent ce qu’ils veulent, ce qu’ils peuvent et bâtissent leur réflexion personnelle en toute liberté.
Les artistes de ma Compagnie et moi-même croyons fortement qu’il en est de leur responsabilité de réinventer une relation de transmission notamment avec ceux qui se croient et que l’on croit privés de parole...
B.C : Mais ce théâtre de la parole de l’autre n’est-il pas une façon d’échapper à votre propre parole ? Pourquoi ne pas œuvrer dans ce cas vers une dimension purement autobiographique ?
V.E : Lorsqu’il s’agit bien entendu de mes propres écritures, tout mon théâtre puise dans mon expérience personnelle.
Ma période adolescente n’a pas été épanouie. J’étais un ado replié sur lui-même en quête d’autres modèles que celui de mon père. Mon modèle à moi, c’était " l’anti-père ", c’était le beau gosse viril du lycée qui plaisait aux filles, poilu et baraqué. Le bad boy...
Alors comment se dépatouiller avec tout ça quand on est adolescent ? Comment faire avec ce corps que l’on voudrait voir différent ? Comment et à qui se confier autour de la question de ce qu’est être un homme ?
B.C : Vous mettez donc en oeuvre la parole de l’autre pour mieux vous dire ?
V.E : C’est tout à fait ça.
Je me nourris d’une expérience personnelle très intime pour la rendre la plus universelle possible. Mais mon théâtre ne s’inscrit pas dans une parole narcissique, loin de là, puisque mon but c’est de tendre à l’universel.
Et je ne m’inscris pas non plus dans une posture racoleuse qui chercherait à privilégier des thèmes à la mode. Je ne saurais pas faire ça....
Mon théâtre, c’est partir de mon intimité, en totale immersion - un peu comme en ce moment d’ailleurs -. Moment si particulier que je vis plutôt sereinement, comme une chance de réinterroger notre "humanité" au sein de cette "mondialité" que l’on connaît.
Où se situe au juste notre valeur ?
Que voulons-nous désormais faire de nos vies ?
Mais je tiens à saupoudrer toute ma réflexion d’une grande dose d’optimisme et d’humour, pour ne surtout pas rendre les choses déprimantes. Parce que sans ça, ce ne serait pas moi.
Je suis quelqu’un de profondément optimiste qui se relève à chaque fois des événements difficiles, comme ma récente séparation d’ailleurs.
J’avance, déterminé , la tête haute et je ne vois pas ce qui pourrait me faire changer... Pour moi, l’humour et la distance dans des propos qui peuvent être graves, c’est essentiel !
B.C : Qu’en est-il de votre dernière création, "Sois un homme" ?
Comme vous l’avez constaté, le titre de ma pièce est une injonction, et je tenais à ce que le spectateur s’interroge sur cette question. D’ailleurs, il n’aura peut-être pas forcément de réponse en sortant de la représentation... Ce n’est pas grave.
Mais il y réfléchira inévitablement.
Tout comme il a sans doute pu le faire lors de ma pièce précédente, "Être là". Dans cette pièce, mes trois comédiens incarnent tour à tour un père et un adolescent et encore une fois, non sans humour, ils tentent de mettre en avant ce fameux "mâle -être" que chaque adulte en devenir traverse dans sa vie. Cet adulte en devenir que j’ai été moi-même bien sûr. " L’homme-ado " en construction que j’ai été et dans lequel je l’espère se reconnaîtront d’autres hommes. Ce n’est pas simple pour mes personnages de ne pas ressembler à leur père, d’être virisl sans être dominateurs.
Je tenais beaucoup à ce mélange de sérieux et d’humour dans les échanges de mes trois comédiens, qui s’interpellent et proposent des bribes de réponses, sans rien imposer surtout. Comme quand, par exemple, ils s’interrogent sur " comment emballer une fille " ou lorsqu’ils témoignent de leurs difficultés à se raconter les uns les autres , à partager des choses personnelles, à la différence des femmes.
Pour ma scénographie, j’ai imaginé sur le plateau des blocs de mousse qui symboliquement transporteront le spectateur tantôt au bord d’un lac, tantôt dans un jardin ou encore sur un divan.
Mais ce n’est pas simple de répondre à cette question, " c’est quoi un homme ? ", et je crois dur comme fer que le propre du théâtre c’est aussi d’aider le spectateur à trouver des éléments de réponses.
Pour moi, le théâtre, c’est une utopie permanente, mais de laquelle peuvent surgir tout à la fois la désobéissance, la consolation, le partage ou encore la folie.
Mais à aucun moment il ne rendra sec ou infertile !
B.C : Merci infiniment pour ce partage...
On ne peut que vous soutenir très largement dans votre travail de création qui, pour l’heure, est confiné dans cette bulle de latence et de silence bien inédite.
On ne doute pas un seul instant que chacun en sortira transformé, voire grandi, et que la parole sera encore plus forte...
La vôtre en particulier !
Antoine Vitez n’a-t-il pas dit que " Le Théâtre, c’est l’homme qui parle à l’homme des questions de l’homme ".....
Les premières représentations de "Sois un homme" étaient prévues les 11, 12 et 13 mars derniers, à la Comédie de Picardie.
Deux représentations ont eu lieu avant l’annulation des autres dates pour les raisons que l’on connaît tous.
A la Salle des Trois Villages de Savignies, le 25 mars
Au Théâtre Les Tisserands à Lille-Lomme, le 25 mars.
La situation actuelle a engendré le report de ces dates.
Deux versions de la pièce sont disponibles à la diffusion :
– une forme plateau
– une forme nomade destinée aux bibliothèques, aux établissements scolaires, aux centres sociaux, mais aussi au milieu carcéral ou hospitalier.
Durée de la pièce : 1 H 03.
Distribution : Teddy Bogaert , Sylvain Savard et Laurent Stachnick
Contacts de la Compagnie " à vrai dire" : 12 rue de la Tapisserie - 6000 Beauvais
info@compagnie-a-vrai-dire.fr
Julie Blanc-Colcanap , administratrice : 0686246075
Vincent Ecrepont , Directeur artistique : 0611292095
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