Le 15 mai 2021
Une courte nouvelle dystopique écrite en 1986, à nouveau publiée par Le passager clandestin, une maison d’édition engagée. A travers sa collection "Dyschroniques", la réédition de nouvelles ou de courts romans de science-fiction nous ouvre les yeux sur notre monde, tel qu’il avait été imaginé, dans des thèmes cruellement actuels. Ici, le récit évoque le contrôle absolu, par une société privée, du complotisme et du terrorisme quotidien.
- Auteur : Steven Saylor
- Collection : Dyschroniques
- Editeur : le passager clandestin
- Genre : Science-fiction
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Yannick Mathé
- Titre original : Insecticide
- Date de sortie : 1er mai 2021
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : John Moreland est envahi par les cafards dans son appartement. Il fait appel à la société d’extermination et se retrouve en proie à des effets secondaires angoissants.
Critique : L’œuvre de Saylor n’est pas simplement rééditée, elle est enrichie d’une préface de l’auteur, datée de février 2021, qui livre, dès les premières pages, le contexte d’écriture de sa nouvelle. Un éclairage est également donné sur la période du récit. Enfin, si l’on souhaite prolonger l’aventure, on trouve quelques conseils littéraires et cinématographiques. Ce remarquable travail résulte d’une ligne éditoriale engagée : il s’agit de remettre à disposition des textes de science-fiction initiant une réflexion sur nos sociétés occidentales actuelles.
Les années 1980 sacrent le néolibéralisme, c’est-à-dire le triomphe du capitalisme sur le communisme. Dans le même temps, les États-Unis innovent dans les nouvelles technologies, à travers le caméscope ou les jeux vidéos. Enfin, c’est aussi la mondialisation du VIH et la prise de conscience des infections potentiellement épidémiques sur toute la planète. La nouvelle de Steven Saylor, par ailleurs auteur de romans historiques sur la période romaine, s’inscrit dans ce contexte. John Moreland, habitant d’une société régie par l’entreprise hégémonique Bund, subit une invasion de cafards dans son appartement. Suite à l’intervention de l’agent exterminateur, le protagoniste se met à subir des démangeaisons importantes. Il n’a alors pas d’autre choix que d’appeler les secours.
En quelques pages, le lecteur est plongé dans cette société totalitaire, contrôlée par un grand groupe industriel, où les rapports humains semblent distants, avec une forte présence des écrans. La solitude de John, sans être décrite, est particulièrement présente : l’action se concentre sur lui, sans lien avec un proche ou une autre activité. Les bases de la société totalitaire sont là : l’information par un canal tourne en boucle sur des actualités anxiogènes, produisant un discours stéréotypé.
Cette nouvelle ne rassurera pas les sceptiques envers les industries pharmaceutiques ou les opposants fermes aux produits chimiques. L’auteur capture la méfiance, alors peu présente dans la société américaine, envers toute forme de pouvoir, thématique pourtant très largement abordée dans les œuvres de science-fiction depuis la fin des années 1960. On pense à la série Le Prisonnier ou même à Margaret Artwood et son roman, La servante écarlate, depuis adaptée en série à succès et évidemment à 1984. Mais dans l’œuvre de Saylor, le protagoniste ne se bat pas contre le système, il ne devient pas un héros de la rébellion, il se contente de douter et d’essayer de comprendre ce qui se passe. En ce sens, l’histoire peut déconcerter le lecteur, habitué aux héros insoumis. Cependant, le propos n’est pas là : il s’agit davantage de dénoncer des dérives à venir et donc d’en prendre conscience, avant qu’il ne soit trop tard.
Insecticide nous parle de paranoïa et de la nécessité de déconcentrer les pouvoirs, parfois en renonçant à la facilité. Ce livre bref et percutant distille une idée aussi tenace que l’odeur d’un produit chimique dans notre intérieur, celle de la confiance à avoir ou non envers les grands groupes qui concentrent les pouvoirs.
80 pages
6€
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