Le 12 août 2019
- Scénariste : Jirô Asada>
- Dessinateur : Takumi Nagayasu
- Collection : Génération Comics
- Genre : Chronique sociale, Seinen
- Editeur : PANINI COMICS
- Famille : Manga
- Date de sortie : 24 décembre 2001
Le cheminot est un manga pas comme les autres. Tout d’abord, c’est une fidèle adaptation du chef-d’œuvre éponyme du romancier Jiro Asada dont le succès au Japon fut immense (Prix Naoki en 1997 et adaptation cinématographique avec Ken Nakata dans le rôle principal). Et surtout, hors des sentiers battus du manga traditionnel, le dessinateur Takumi Nagayasu nous convie à une lente et méditative fin de règne.
Fin de règne pour le vieux train qui dessert une vallée isolée. Fin de carrière pour le chef de gare. Fin d’année rendue funèbre par la neige. Fin de journée mélancolique tandis que le vieux chef de gare et son ami s’installent pour réveillonner et remuer des souvenirs heureux et malheureux.
Dans une ambiance naturaliste et confinée, le récit déroule au ralenti le fil de cette dernière nuit et le film des souvenirs progressivement resurgis. Cette lenteur assumée nous immerge dans les dernières heures de cette gare, entre un robinet qui fuit et une bouilloire fumante. Au terminus de sa vie, le chef Oto fait comme si de rien n’était. Les mêmes rituels ferroviaires rythment son quotidien. Il se demande seulement s’il ne va pas terminer dans un musée comme l’antique locomotive qui se hisse tous les jours jusqu’à lui dans des crissements de rails.
La précision du trait, sa qualité descriptive, tour à tour émouvante et poétique, culmine dans les portraits d’Oto. Son regard méditatif qui s’attarde sur la neige ou la nuit. Étonnement, surprise, accablement, gêne, honte, le masque imperturbable du cheminot s’anime et devient le fascinant miroir de tous les sentiments qu’il a refoulés des années durant. Car comme il le déclare au chevet de son épouse décédée, "les cheminots ne pleurent pas."
La survenue de la neige et d’une petite fille cherchant sa poupée dans la salle d’attente coïncident avec un afflux d’émotion. La carapace de glace semble se briser dans le cœur d’Oto. Sa fille, morte en bas âge s’appelait Yukko, "l’enfant de la neige".
La magie de ce récit tient donc à des détails anodins, pièces d’un puzzle qui une fois assemblé restitue les drames qui se sont joués dans la vie d’Oto le chef de gare. Discret, pudique, elliptique, comme Oto lui-même, ce roman visuel nous installe dans une vie étouffée, sans effusion.
Seulement voilà, ce texte n’est pas que cela. Le cheminot est une œuvre fantastique dont les indices, comme les flocons de neige, transforment des paysages connus, brouillent les pistes ou révèlent des traces inattendues. Cet univers fantastique s’installe à notre insu, par petites touches, comme dans les romans de Yoko Ogawa. Un manga pas comme les autres donc qui joue sur différents registres, réalisme et merveilleux, et toutes sortes d’émotions.
250 pages
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