Indes galantes - Philippe Béziat - la critique du film

Ils sont beaux. Ils sont jeunes. Ils ont la fougue de ces danseurs issus des quatre coins de la planète et qui égrènent leur art sur les pavés brûlants des villes. A eux seuls, ils incarnent la France dans ce qu’elle a de multiple, de vivant et de riche. Ils sont nés en Amérique du Sud, en Afrique, ou dans toutes les régions françaises. Leurs parents sont juifs, ou issus d’une immigration ancienne, ou tout simplement des habitants de banlieue. Et ils bravent la férocité de la scène, dans des arts de la rue complexes et sportifs. Jusqu’au jour où un metteur en scène Clément Cogitore propose à la troupe de les engager dans un spectacle baroque, où leurs danses, leurs mouvements lunaires et leur rage de vivre s’inviteront dans un opéra de Jean-Philippe Rameau, Les Indes Galantes.

Copyright Pyramide Distribution

Ecrire sur un film dont la matière principale est la musique, la danse et la mise en scène relève de la gageure. La question que pose le documentaire est de savoir si Philippe Béziat a seulement planté sa caméra au milieu de ces artistes fougueux et passionnés pour mettre à l’honneur les arts multiples qui habitent le long-métrage ou s’il a pensé une œuvre de cinéma. Car la présence du cinéaste semble presque invisible dans un récit, certes orchestré par le montage et le formidable travail sur le son, qui met sur le devant de la scène ceux qui façonnent cet opéra pendant près d’un an. On suit le chef d’orchestre, les musiciens, le metteur en scène réécrire cette pièce baroque dont la modernité est surprenante. L’opéra convoque des sujets d’une puissante actualité, comme l’immigration, le rapport de la France à son passé colonialiste, la pollution, comme si le compositeur français avait pensé son œuvre musicale pour les siècles à venir. D’ailleurs, les danseurs plus aguerris au rap qu’à la musique classique, semblent tout à leur place dans cette symphonie de sons, de couleurs, et d’effets scéniques.

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En réalité, Indes Galantes est une œuvre politique. Philippe Béziat interroge le rapport des spectateurs habituels des opéras français à la question de la culture dite populaire. L’enjeu de ces jeunes gens est de conquérir l’espace réservé de cet art si peu accessible. Le film ne donne pas la parole aux spectateurs. On n’entendra que la résonance des applaudissements dans la salle immense de la Bastille. Le reste se devine, particulièrement quand la caméra s’envole vers le ciel et qu’elle regarde depuis l’archange de la Colonne la rencontre de la bourgeoisie avec les arts de la rue.

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Indes Galantes est un film qui donne la chair de poule. L’émotion est permanente dans les entraînements auxquels s’adonnent les chanteurs, les musiciens, les danseurs et les techniciens. Après des mois de confinement, le documentaire restitue dans un condensé d’émotions, ce qui constitue la chair d’une œuvre conçue pour la scène. Jusqu’au générique final, le spectateur est emporté dans la magie d’un opéra dont le projet est d’approcher l’universalité. On ressort de ces deux heures, nourri de la possibilité d’une existence où la différence n’est pas un frein mais au contraire la matière même du renouveau des arts.