Truand taciturne
Le 20 juillet 2013
Ce film noir minimaliste décevra peut-être les amateurs de sensations fortes mais captivera qui voudra bien suivre pas à pas son lent cheminement dans Berlin et la campagne automnale de la Marche de Brandebourg.
- Réalisateur : Thomas Arslan
- Acteurs : Karoline Eichhorn, Uwe Bohm, Mišel Matičević, Rainer Bock, Hanns Zischler
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h26mn
- Plus d'informations : http://www.festivalcineallemand.com...
- Festival : Festival du cinéma allemand
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Ce film noir minimaliste décevra peut-être les amateurs de sensations fortes mais captivera qui voudra bien suivre pas à pas son lent cheminement dans Berlin et la campagne automnale de la Marche de Brandebourg.
L’argument : Trojan sort de prison et n’envisage la suite que d’une seule manière : reprendre ses activités criminelles. Il contacte ses anciens complices à Berlin, les uns pour récupérer la part du larcin qui l’a conduit derrière les barreaux, les autres pour prendre part à un nouveau coup, mais personne n’est fiable. Prudent, taciturne et aucunement rouillé par sa détention, Trojan n’est pourtant pas de ceux qui se découragent pour si peu. De parkings en cafétérias anonymes, en passant par des hôtels où il règle toujours en cash, Trojan se meut dans un univers interlope, le sien et le seul qu’il connaîtra jamais. Furtif, il poursuit une même et immuable trajectoire, où le gain est en peau de chagrin et le réseau de ses ennemis toujours plus resserré...
Notre avis : Produit par la Schramm Film (Florian Koerner von Gustorf et Michael Weber) et projeté à Paris dans le cadre du 15ème Festival du Cinéma allemand, Im Schatten - A l’ombre est le septième long-métrage de Thomas Arslan. Ce cinéaste allemand d’origine turque, né à Braunschweig en 1962, a construit, en sept longs-métrages, une oeuvre qui se signale par une remarquable rigueur formelle et une belle cohérence, tant thématique que stylistique. Observant à distance respectueuse les allées et venues de personnages perdus dans des espaces où ils ne s’intègrent pas, il s’attache à communiquer au spectateur un fort sentiment d’étrangeté, cette Fremdheit qui semble bien être au coeur de son cinéma.
Après Der schöne Tag, portrait d’une jeune femme dans la grande ville, le documentaire Aus der Fremde, récit d’un voyage en Turquie, et le magnifique Ferien, fausse idylle familiale et estivale située dans une maison de campagne de la Uckermark, Arslan revient, avec Im Schatten, au film noir, genre auquel on pouvait rattacher Geschwister - Kardeşler et surtout Dealer (1999).
Les ingrédients et les figures imposées du film de genre sont bien présents, que ce soit au niveau de l’intrigue (la préparation d’un braquage de fourgon blindé), de la typologie des personnages (petites frappes et pros sans états d’âmes), des décors (parkings, terrains vagues, stations services), des thèmes (rivalités, vengeance, trahison) ou des éclairs de violence (plusieurs morts brutales).
Mais tout cela est filmé avec une distance, un refus de la surenchère dramatique et une absence de participation émotionnelle qui fera probablement décrocher assez vite les amateurs de sensations fortes.
Car l’austère Im schatten ne cherche pas à séduire le spectateur. Un seul personnage suscitera peut-être quelque sympathie, le plus odieux, Meyer (Uwe Bohm, impressionnant), le seul a être mû par un sentiment, la haine, et qui finit par atteindre une dimension pathétique lorsque le piège qu’il a posé se retourne contre lui. Les autres, à commencer par le protagoniste impeccablement interprété par le glacial Mišel Matičević, resteront impénétrables.
Ce néo-polar aux accents melvilliens (le samourai) impressionne et captive pourtant par la détermination avec laquelle Arslan va au bout de ses partis pris et l’accomplissement de son écriture cinématographique.
Berlin, métropole où tous les types d’espaces urbains se côtoient et où les notions de centre et de périphérie sont inopérantes, est filmée avec une attention rare à la précision topographique. La splendide photo aux tonalités automnales de Reinhold Vorschneider capte la paradoxale beauté de la ville avant de magnifier la campagne de la Marche de Brandebourg et ses forêts de pins lors d’une séquence finale prodigieusement atmosphérique (Le film a été tourné en septembre 2009).
Mais même dans ce cadre somptueux, le cinéaste refuse l’envolée opératique. Le gunfight autour de la cabane ou le retournement final qui anéantit tous les efforts du protagoniste sont filmés avec la même absence de participation, le même refus de souligner le sens (romantisme du malheur ou ironie du destin) que ce qui précède.
Refusant d’additionner les ingrédients et optant radicalement pour la raréfaction, ce beau film volontairement privé de la plupart des atouts de la séduction finira pourtant par combler le spectateur attentif, illustrant une nouvelle fois la règle fréquemment vérifiée du moins = plus.
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