Au sud d’Eden
Le 1er juin 2015
Après "Barbara" Nina Hoss enflamme "Gold", western féministe d’une beauté à couper le souffle...
- Réalisateur : Thomas Arslan
- Acteurs : Uwe Bohm, Nina Hoss, Marko Mandic
- Genre : Drame, Western
- Nationalité : Canadien, Allemand
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 24 juillet 2013
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Sortie du DVD : 3 décembre 2013
Après l’excellent Barbara, Nina Hoss, devenue peu à peu l’une des figures de proue du cinéma allemand actuel, campe de nouveau un personnage de femme forte à la recherche de sa propre identité. Un western intérieur délicieusement contemplatif porté par une actrice d’un naturel confondant. L’une des bonnes surprises du dernier festival de Berlin.
L’argument : Canada, été 1898. En pleine Ruée vers l’Or du Klondike, Emily Meyer rejoint un groupe d’immigrés allemands pour entamer une chevauchée périlleuse à la recherche du précieux minerai. Animés par l’espoir d’une vie meilleure, Emily et son équipage s’enfoncent au cœur des grands espaces canadiens.
- "Gold" : Nina Hoss et Marko Mandic
- © DR
Notre avis : Arnaud des Pallières le disait à propos de son Michael Kohlhaas, « il y a cent mille façons d’être dans l’épure ». Gold, dernier né du réalisateur allemand Thomas Arslan (Im Schatten, Ferien), joue sur deux tableaux, inscrivant son film dans la lignée des westerns classiques des grands espaces tout en refusant toute idée de spectaculaire. La menace, latente, plane comme un spectre, rendant les effusions de violence froide qui émaillent le film particulièrement saisissantes. Exemple le plus probant, le duel final-preuve s’il en est qu’il est impossible d’échapper totalement à son passé- filmé sans aucune forme d’héroïsme, tombe comme un couperet, renforçant l’idée d’une réalité implacable. Objet à la fois étrange et familier d’une grande beauté formelle, Gold se démarque surtout par son économie de parole et son aridité toute germanique. S’il met un certain temps à démarrer, le film trouve son rythme de croisière dès lors que le voyage se mue en quête sans retour. Sans fioritures, Arslan livre sa vision du rêve américain, faisant de nous l’un des compagnons de route de ces voyageurs de fortune prêts à tout sacrifier pour atteindre leur Eldorado. Inscrit dans ces vastes paysages à la beauté vénéneuse, des plaines arides aux premières neiges du Grand Nord en passant par la forêt profonde, le petit groupe avance tant bien que mal dans l’espoir d’une vie meilleure. Perdus au milieu de cette nature immaculée vierge de toute trace du passage de l’homme, angoissante à force d’immensité, nos explorateurs sont réduits à leur plus simple expression, mis à nus et renvoyés devant leur condition de pécheur. Si l’Eden symbolique se trouve de l’autre côté des montagnes, les personnages marchent sur un véritable chemin de croix qui peut s’apparenter à un purgatoire. On retrouve alors l’idée de ce retour à une forme d’archaïsme qui n’est pas sans rappeler Aguire : la colère de Dieu, même si le réalisateur ne semble pas être allé tout à fait au bout de ce qui semblait être son idée première. Thomas Arslan ose cependant imposer un rythme d’une exquise lenteur et des personnages éminemment mystérieux sans pour autant paraître creux (on est d’autant plus frappés par leur volonté sans faille de se reconstruire ailleurs, dans cet espace où ils pourront enfin obtenir une consistance réelle), ce qui enveloppe le film d’une aura presque mystique.
- "Gold" : photo du film
- © Happiness Distribution
C’est cet ailleurs, ce hors-champ jamais montré au cœur de toutes les conversations, qui symbolise à lui seul l’espoir et donne la force à ces pauvres hères de surmonter la fatigue. Filmée dans cet entre-deux entre un point A et un point B, la petite troupe perd peu à peu ses repères, rattrapée par la cupidité des uns et la peur des autres pour ne trouver finalement que folie et mort. Mais si Arslan enferme ses personnages dans un engrenage fatal, Gold n’en est pas pour autant totalement désenchanté et laisse suinter l’espoir à travers le personnage d’Emily-le seul auquel l’auteur attache une réelle importance, lâchant au compte-goutte quelques informations sur son passé-. Une héroïne atypique et naturellement attachante qui, à l’instar de quelques autres femmes à l’époque, a osé non seulement divorcer, mais aussi entreprendre ce voyage de tous les dangers au cœur d’un territoire hostile, espace traditionnellement réservé aux hommes. Prenant peu à peu confiance en elle, elle se réalise -paradoxalement- en tant que femme en s’appropriant des qualités jusque là réservées à la gente masculine comme le fait de monter à cheval, de manier un fusil et même de faire, dans une certaine mesure, figure d’autorité. Rappelons au passage que les femmes parvenues à destination sont pour la plupart devenues des business women. Nina Hoss insuffle à son personnage une force de conviction proche de celle de Mattie Ross dans le True Grit des frères Coen tout en sachant rester en retrait et garder une certaine forme de pudeur. Irradiant le film de son charme naturel, l’actrice joue subtilement sur l’équilibre entre cette force apparente et la fragilité intérieure d’ Emily. Un beau portrait d’aventurière d’une grande justesse de ton qui ne vous laissera pas indifférent.
- "Gold" : affiche officielle
- © Happiness Distribution
Le test DVD :
Pas grand chose à redire au niveau visuel et sonore, mais une édition DVD plus que chiche en terme de bonus. Dommage.
Les suppléments :
Rien à se mettre sous la dent si ce n’est un making of du film (15 mn environ) relatant l’histoire du tournage et le rapport entre le film et la réalité historique (intéressant mais trop court). Quant à l’entretien avec Nina Hoss, qui aurait du être la pierre angulaire de ces bonus, il n’excède pas les cinq minutes. Grosse déception.
L’image :
Magnifique image 2.35 en écran 16/9 qui permet d’apprécier à sa juste valeur la beauté des paysages canadiens. Les couleurs froides principalement utilisées ressortent parfaitement, ce qui permet de goûter à cette atmosphère si particulière sans toutefois s’arracher les yeux lors des séquences plus sombres. On attend la sortie blu ray pour encore plus de profondeur mais la qualité est au rendez-vous.
Le son :
Version originale allemande sous-titrée en Dolby Stereo 2.0 et Dolby Digital 5.1. Le 5.1 permet de capter les moindres sons de la nature environnante et de s’immerger dans une atmosphère sonore fidèle à celle que l’on imagine ressentie par les personnages. Seul bémol, pas de version française. Possibilité d’activer les sous-titres pour sourds et malentendants.
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