Le 18 décembre 2020
En compilant savamment des images d’archives à des reconstitutions modernes, Federico Ferrone et Michele Manzolini réécrivent la barbarie nazie à l’heure de la Seconde Guerre mondiale. Un film profond et salutaire.
- Réalisateurs : Michele Manzolini - Federico Ferrone
- Nationalité : Italien, Russe
- Distributeur : Norte Distribution
- Durée : 1h10mn
- Date de sortie : 1er septembre 2021
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Résumé : En 1941, un soldat italien part pour le front russe. L’armée fasciste est alliée avec les allemands et la victoire semble promise. Contrairement à ses jeunes compagnons enthousiastes le soldat, qui a déjà connu les conflits armés d’Afrique, redoute ce voyage. Le train chemine vers l’Ukraine et l’hiver arrive en même temps que grandit l’inquiétude. Le désir le plus fort n’est plus celui de la victoire mais d’un lit bien chaud, d’un repas et du retour au foyer. Frappées par les vents, les steppes semblent être habitées par des fantômes et le soldat nous emporte avec lui dans sa nostalgie.
Critique : Dès les premières séquences, Federico Ferrone et Michele Manzolini introduisent le doute. Il Varco est-il un film d’animation ? Est-ce au contraire un documentaire qui s’efforce de réunir des pièces historiques ? Ou s’agit-il d’un roman qui réécrit l’Histoire, à l’aune de ces images d’archives que les réalisateurs ont réunies ? Probablement les trois. Pour autant, la puissance émotionnelle du film naît des mots qui accompagnent ces images très belles de soldats, et quittent leur chère Italie pour les steppes glacées de l’Ukraine. Le comédien récite des pages d’une exceptionnelle solennité. Les paroles sont fortes, profondes : elles décrivent la joie de ces soldats que le gouvernement fasciste livre sans vergogne à la barbarie nazie, puis montrent la désillusion, la peur et la nostalgie du village d’où ils viennent. Les campagnes se déroulent dans la grisaille des vieux clichés, trouées de maisons détruites, de femmes esseulées et de neiges. Heureusement, vers la fin du film, le soleil n’est plus loin.
- Copyright Norte Distribution
L’humanité de ces visages de soldats rappelle l’absurdité de la guerre. Ces gens qui combattent sont d’abord des gaillards, à peine sortis de l’adolescence, qui ne comprennent pas la grande manipulation politique dont ils font l’objet. Leurs mères et épouses leur manquent. Ils ricanent, sans bien comprendre où ce grand train métallique les conduit. Les paysages se succèdent derrière les vitres embuées des wagons. Parfois, ils s’arrêtent et on les voit projeter dans le ciel des obus de feu. Malgré l’évidente poésie du propos, le film dénoue les fils d’une guerre dont les Allemands avait promis qu’elle serait la dernière. Le cinéma parle souvent de la brutalité nazie. Les relations troublées que l’Italie a entretenues avec l’Allemagne d’Hitler sont plus rarement évoquées. Ici, les documentaristes ne versent pas dans la culpabilité. Ils témoignent de l’ignoble violence faite à ces jeunes hommes, normalement dévoués à une vie de père et de travailleur. Parfois, surgissent les images de leur tombe et on mesure à quel point la guerre rentre en effraction dans des existences qui étaient destinées à se prolonger. Finalement, ils auraient pu être français, marocains ou russes.
D’un point de vue formel, Il Varco est incontestablement réussi. Les auteurs mélangent des images restaurées à d’autres plus contemporaines. Il y a surtout la musique, très puissante, qui habite le film d’un bout à l’autre. Elle offre au documentaire une portée supplémentaire, quasi transcendantale. Elle transforme ce qui aurait pu être une succession d’images historiques, en un roman quasi impressionniste. L’œuvre mélange les arts et les émotions. Le propos refuse l’exhaustivité. D’ailleurs, le format est plutôt court, comme si le meilleur du film devait surgir après que le générique l’a clos. La poésie gagne dans ce récit de guerre qui rend hommage à une immense partie de la jeunesse, que la folie des puissants a sacrifiée.
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