Le 24 septembre 2017
Malgré la fête permanente, Risi fait de ce voyage en Argentine une réflexion souriante et mélancolique sur des perdants attendrissants.
- Réalisateur : Dino Risi
- Acteurs : Vittorio Gassman, Nino Manfredi, Amedeo Nazzari, Annie Gorassini, Silvana Pampanini, Maria Grazia Buccella, Guido Gorgatti
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Italien, Argentin
- Editeur vidéo : ESC Éditions
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 18 juin 1965
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Résumé : Mario Ravicchio, un attaché de presse financier "légèrement" à court d’argent, accompagne une compagnie de production italienne pour un voyage d’affaire en Argentine, afin de présenter un film lors d’un festival. Quand ce n’est pas avec les femmes, il passe le plus clair de son temps, à essayer de gagner un maximum d’argent, soit aux paris, soit en soutirant de l’argent auprès d’un italien expatrié, devenu un riche et prospère industriel...
Critique : Tourné la même année que Les monstres, Il Gaucho ne bénéficie pas de la même réputation et n’a pas rencontré le même succès en France. Il faut dire qu’il est moins immédiatement séduisant, plus secret, avec un fond de tristesse qui rappelle fugitivement certaines séquences de Fellini. Comme le souligne Stéphane Roux, le film est divisé en deux parties distinctes, unies par un rythme indolent, que Gassman s’acharne à combattre avec une énergie inépuisable.
Dans la première, Risi présente un groupe d’Italiens venus en Argentine pour un festival de cinéma : de ce petit monde, il fait un portrait cruel ; les femmes y sont des objets de convoitise et des sottes (l’une croit voir la ligne de l’équateur depuis l’avion, deux d’entre elles se révèlent incapables de répondre à des questions pendant la conférence de presse, etc.), et surtout, il y a Marco, incarné avec maestria par Vittorio Gassman, dragueur, hypocrite, hâbleur, dépensier, goujat, de mauvaise foi, et pourtant, c’est la force de l’acteur, attachant jusque dans ses innombrables défauts. Sa course à l’argent, épuisante, guide de nombreux passages, comme le jeu au casino, et s’avère vouée à l’échec. Mais peut-être est-ce la morale du film, une morale triste, que cet échec général. C’est aussi bien le riche ingénieur qui, malgré sa fortune, est méprisé par sa femme, que le scénariste mis de côté et probablement homosexuel, que, évidemment, le personnage de Gassman, matamore superficiel et maladroit. Quand il parvient à ses fins avec la femme de l’ingénieur, c’est pour être ensuite giflé et entraîné malgré lui. Tout le reste se retourne contre lui.
Peu à peu, après les fêtes, les danses, les visites, les grands espaces, le film évolue vers un abattement, en particulier avec l’arrivée de Stefano (Nino Manfredi), qui personnifie l’échec des exilés. Mais le ver était déjà dans le fruit : quelques détails, un pingouin mort, un clochard dont Marco imagine qu’il est venu cinquante ans plus tôt, un abattoir usine, instillent dans l’ambiance de fête une faille qui va s’élargissant. C’est sans doute le meilleur du film que cette tristesse attendrie - et Manfredi excelle dans le rôle du raté pudique. Risi trouve d’ailleurs une délicatesse infinie pour réunir ses deux comédiens en une rencontre mémorable et émouvante.
Certes, on ne rit pas beaucoup dans Il Gaucho ; le ton n’est pas à la farce, et le film recèle même d’étranges moments, comme ce jardinier sosie d’Hitler. On est plutôt dans une œuvre qui repose sur une atmosphère changeante, entre apparence joyeuse et tristesse réelle. Face aux déconvenues que les personnages rencontrent, il n’y a plus qu’à sourire et se mentir comme on ment aux autres. Ainsi que le dit, Gassman à la fin, « faisons piètre figure une dernière fois. » Pareille réplique et ce qu’elle signifie, c’est le charme de ce métrage singulier, lent et attachant.
Les suppléments :
Outre l’habituelle bande-annonce de la collection, le Blu-ray propose un entretien avec Stéphane Roux, qui revient sur divers aspects du film comme le tournage, multipliant les informations et les anecdotes avec son érudition tranquille. Instructif mais l’analyse reste sommaire.
L’image :
La restauration permet de voir le film dans de bonnes conditions, malgré un grain épisodiquement trop épais et de rares déformations fugaces.
Le son :
La seule version disponible (pas de VF) est claire et ne laisse perdre aucune inflexion dans les multiples dialogues. Si l’âge du film se fait parfois sentir, tout est parfaitement audible.
– Sortie DVD et Blu-ray : le 26 septembre 2017
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