Coward tout-puissant
Le 7 novembre 2011
Un drame honnête, qui pêche malheureusement par son discours peu subtil sur les valeurs familiales et une théâtralité trop voyante.
- Réalisateur : David Lean
- Acteurs : Robert Newton, John Mills, Kay Walsh, Stanley Holloway, Celia Johnson
- Genre : Drame, Comédie dramatique
- Nationalité : Britannique
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h46mn
- Titre original : This Happy Breed
- Date de sortie : 14 janvier 1948
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– Année de production : 1944
Un drame honnête, qui pêche malheureusement par son discours peu subtil sur les valeurs familiales et une théâtralité trop voyante.
L’argument : A la fin de la Première Guerre mondiale, Frank Gibbons retrouve sa femme et ses trois enfants. La famille emménage dans la banlieue de Londres avec une tante et la grand-mère. Durant les vingt années qui suivront, ils connaîtront autant de moments de bonheur que de tragédies brutales, avec en toile de fond les grands évènements de l’entre-deux guerres.
Notre avis : Première réalisation solo de David Lean, Heureux mortels montre encore une influence très importante du scénariste britannique Noël Coward, avec lequel il avait réalisé en 1942 Ceux qui servent en mer. Il n’est en effet pas évident de distinguer ici la patte du grand metteur en scène anglais tant le film se démarque avant tout par la qualité de son texte et la personnalité du génial auteur de Brève rencontre. C’est d’ailleurs à la fois la force et la faiblesse du film.
D’un côté nous nous réjouissons des situations aux traits jamais forcés, chacun des personnages s’avérant étonnant de justesse, notamment grâce au naturel des acteurs. De plus, on y trouve un bel équilibre entre rires et larmes, loin du mélodrame misérabiliste ou des facilités du slapstick.
Malheureusement, si l’on sait Coward capable de déployer des trésors d’ingéniosité, le génie de la plume reste ici dans l’ombre, toujours en deçà de ses capacités. De plus, le patriotisme légitimé par la fin de la guerre (le film a été tourné en 1944), s’accompagne d’un discours sur la famille parfois ronflant. Le retour du soldat dans sa famille est alourdi par des bons sentiments, que l’on digère toutefois grâce au caractère propre de chacun des membres de cette famille et de leur conception singulière du monde et de la politique.
Mais alors que fait David Lean dans tout cela ? Se contente-il de faire du théâtre platement filmé tel que le faisaient Robert Florey et de nombreux artisans du cinéma français dans les années 30 ? Si celui-ci n’en est pas à développer sa technique éblouissante et manifeste de réelles difficultés à s’émanciper de la forte dimension théâtrale, peu aidé il est vrai par un Technicolor aux antipodes de celui utilisé par Michael Powell à la même époque dans Le Narcisse noir et Les Chaussons rouges, il n’en garde pas moins un grand sens de l’esthétique grâce à une caméra élégante et quelques fulgurances (très beau travelling lors de la première incursion dans la demeure familiale), mais aussi une identité, comme lorsqu’il s’éloigne de la maison de ses héros pour nous évoquer subtilement la rapide montée du nazisme.
Si, au final, Heureux Mortels échoue à atteindre les standards du dramaturge et ceux du futur réalisateur de Lawrence d’Arabie, ce premier essai solo n’en reste pas moins un témoignage intéressant d’une époque qui évite la caricature et refuse de négliger la dimension sociale que représente la famille du protagoniste. Bilan plutôt positif, donc.
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