Le 2 décembre 2003

Pour parvenir à réconcilier autant d’adolescents avec la lecture, il y a forcément une truc. Ou plutôt des trucs...
Pour parvenir à réconcilier autant d’adolescents avec la lecture, il y a forcément une truc. Ou plutôt des trucs...
La potion magique concoctée par J. K. Rowling se compose de différents ingrédients qui n’ont rien de nouveau mais qui, savamment distillés et pesés, aboutissent à une recette irrésistible. Il faut savoir que l’univers de Harry Potter est divisé en deux. D’un côté celui des sorciers, inaccessible au commun des mortels, de l’autre celui des "moldus", c’est-à-dire vous et moi. La règle d’or pour un sorcier est de ne rien dévoiler aux "moldus" de cet univers parallèle.
Evidemment, quand on vise le public des adolescents, il est préférable de parler... d’adolescents. Mais pas n’importe comment. Une amitié solide et inébranlable lie Harry à Hermione et Ron. Mais, au royaume des sorciers, il y a les bons et les méchants, les riches et les pauvres. Bien sûr, nos trois amis cumulent les "handicaps". Harry est orphelin, a été recueilli par son oncle et sa tante, les Dursley, qui le détestent et le martyrisent. Ron, lui, fait partie d’une famille pauvre de sept enfants. Ses parents ont la main sur le cœur, sont d’une totale intégrité et d’une générosité extrême. A tel point qu’Harry trouvera chez les Weasley une famille de substitution. Hermione a des parents "moldus". Comprenez par là qu’elle fait office d’erreur de casting au sein de la confrérie des sorciers et que l’accepter, c’est aussi accepter l’autre sans se soucier des apparences. Surtout qu’Hermione est une élève avide de connaissances, intelligente et brillante. Bien entendu, il s’agit de thèmes qui touchent directement les adolescents, exploités depuis longtemps en littérature. Le droit à la différence, la recherche de soi, la revanche du faible, l’exclusion et bien évidemment l’amitié, inexplicable et tellement personnelle... On joue tout sur la corde sensible. L’ensemble des personnages secondaires peut se décortiquer de la même façon. Hagrid, la brute au cœur d’or, Dumbledore, le directeur de Poudlard dont la confiance envers Harry n’est plus à démontrer, l’ensemble des professeurs...
Contre eux se dresse, au sein de l’école, Drago Malefoy, l’antithèse absolue des trois compères. Dès le départ il s’annonce comme l’ennemi juré de Harry et de ses amis. Arrogant et riche, issu d’une très ancienne lignée de sorciers, fils d’un adepte de la magie noire très influent au Ministère, il parle du "sang impur" des sorciers à l’ascendance "moldue". Son père est un farouche partisan de Voldemort, l’assassin des parents de Harry. Cet ennemi prêt à tout œuvre pour les forces du mal et a juré la perte de Harry. Ainsi, chaque épisode de la saga raconte, à la façon d’un roman policier aux rebondissements multiples, la tentative de Voldemort pour tuer Harry. Et, évidemment, comment Harry et ses amis déjouent ses pièges machiavéliques. Le suspense s’entretient car, à tout moment, un bon peut basculer du côté des méchants si la magie noire s’en mêle...
Ajoutez à cela un langage spécifique aux sorciers, un tas d’objets aux pouvoirs fantastiques (cape d’invisibilité, balai magique...), des fantômes en pagaille, des animaux étranges sortis de bestiaires d’un autre âge, un lieu gigantesque dont les pièces possèdent d’étranges pouvoirs (Poudlard), des cours de potion et de sorcellerie, un sport réservé aux sorciers (le Quidditch), et le tour est joué. Un univers magique, fascinant car inaccessible, que chaque lecteur a l’impression de pénétrer par effraction et souhaite rallier. Le rôle du lecteur selon J.K. Rowling. Bien entendu, l’art de la narration et du rebondissement participent tout autant à la réussite de cette saga prévue en sept tomes. Pour le moment, le soufflé n’est pas retombé. Et, au vu du succès annoncé du cinquième épisode, il y a fort à parier que la magie de l’écriture opère encore longtemps.