Le 24 juin 2005
- Scénariste : DAVIS, Guy
Avec son personnage du Marquis, Guy Davis a d’emblée mis un pied dans la cour des grands de la BD américaine. Alors que sort le deuxième tome des aventures de l’inquisiteur démoniaque, Intermezzo, aVoir-aLire.com a voulu en savoir plus sur cet auteur aussi discret que son talent est éclatant.
Rencontre avec un auteur discret au talent éclatant.
De nombreux auteurs anglo-saxons se sont attachés à démolir la figure du super-héros [1]. Le Marquis a-t-il décidé d’apporter sa pierre à cette deconstruction ?
Non, pas vraiment. Et pour une raison bien simple : je n’ai jamais considéré Le Marquis comme une œuvre estampillée super-héros. Et puis le personnage du Marquis, même s’il en possède tous les attributs extérieurs, ne peut pas être à proprement parler considéré comme un héros. J’ai d’ailleurs dès le départ créé le personnage comme étant quelqu’un d’anthipathique, arrogant, et faisant partie d’un régime d’inquisition qui torturait des innocents. C’était donc plutôt d’abord un "méchant" - pour reprendre la terminologie supe-héros - mais un méchant avec une conscience et qui s’obstinerait à aller contre vents et marées pour faire ce qu’il pense être juste, même si cela s’avérera être pour de mauvaises raisons, puisque croyant agir pour l’Eglise, il découvrira qu’il agit au contraire pour servir les desseins du Diable.
Il semble incroyable qu’il puisse confondre les deux !
Pas tant que ça, puisque toute religion organisée, à bien y réfléchir, l’est d’une façon plus ou moins corrompue. A tel point qu’on finit toujours par trouver des excuses à cette corruption en déformant les idéaux religieux quand il s’agit de faire passer certains agissements moralement condamnables, comme l’Inquisition. Tout le système religieux du monde du Marquis repose là-dessus : le ministère de l’Inquisition a conquis le monde afin d’abolir le péché pour, au final, en créer d’autres guère plus respectables. Ce qui permet à l’emprise des démons de croître d’autant plus facilement.
Des démons qu’on jurerait tirés des œuvres de Bosch ou Francis Bacon...
Merci pour le compliment ! Bosch a en effet été d’une grande influence pour ce qui est de le représentation de l’enfer ; j’aime ses vieux tableaux surréalistes qui confèrent aux démons d’avantage de caractère que la sempiternelle vision désincarnée du diable à la fourche. Pour le reste j’ai laissé s’exprimer par mon crayon les idées qui me passaient par la tête. Les lecteurs français auront la chance de vraiment pouvoir profiter au plus juste de ce que j’ai voulu donner comme vision de l’enfer, puisque l’édition française du Marquis comporte des pages couleur - noir, blanc et rouge - qui donnent aux paysages infernaux toute la vie que j’avais souhaité y mettre.
On sent à quel point vous aimez travailler sur des projets personnels plutôt que sur des reprises.
C’est vrai. J’aime beaucoup travailler sur BPRD [2] et sur Les zombies qui ont mangé le monde [3], mais travailler en solo sur son propre projet procure une satisfaction différente. On n’a de comptes à rendre qu’à soi-même et on peut prendre n’importe quelle orientation. Avec Le Marquis, mon éditeur américain connaît les grandes lignes de l’action, mais personne ne me surveille pendant que j’y travaille. C’est un vrai luxe.
Le Marquis rêve-t-il d’un destin à la Hellboy, avec une adaptation cinéma à la clé ?
J’ai vraiment apprécié le film Hellboy, et je suis vraiment heureux de voir le travail de Mike Mignola recevoir toute l’attention qu’il méritait. Je ne peux pas dire pour autant que j’ai vraiment envie de voir Le Marquis adapté au cinéma, car il y aurait sûrement un décalage entre ce que j’espère voir à l’écran et ce qui serait filmé. Dans ce genre d’exercice on court toujours le risque d’être déçu, mais d’un autre côté ce serait super de se faire un peu d’argent ! (rire) Plus sérieusement, mon objectif a toujours été de raconter des histoires en BD. Point. Si un jour un projet cinéma devait se faire, je n’y serais pas opposé, mais je ne veux pas que l’attente et l’espoir m’empêchent de faire mon boulot.
Voir nos chroniques de la série Le Marquis
[1] Lire à ce sujet les incontournables Watchmen ou V pour vendetta signés Alan Moore
[2] Série périphérique à Hellboy (par Mike Mignola) et dessinée par un collectif d’auteurs dont Guy Davis
[3] Sur un scénario de Jerry Frissen. Deux tomes parus aux Humanoïdes associés
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