L’Afrique grise de la nuit
Le 9 juin 2013
Deux ans après le succès mérité d’Un homme qui crie, Mahamat Saleh Haroun peint avec Grigris le portrait d’une Afrique cabossée par la pauvreté et la criminalité. Peu émouvant, le film ne parvient jamais à décoller, en dépit de sa mise en scène de qualité.
- Réalisateur : Mahamat-Saleh Haroun
- Acteurs : Cyril Gueï, Soulémane Démé
- Genre : Drame
- Nationalité : Tchadien
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 28 août 2013
- Festival : Festival de Cannes 2013
Deux ans après le succès mérité d’Un homme qui crie, Mahamat Saleh Haroun peint avec Grigris le portrait d’une Afrique cabossée par la pauvreté et la criminalité. Peu émouvant, le film ne parvient jamais à décoller, en dépit de sa mise en scène de qualité.
L’argument : Alors que sa jambe paralysée devrait l’exclure de tout, Grigris, 25 ans, se rêve en danseur. Un défi. Mais son rêve se brise lorsque son oncle tombe gravement malade. Pour le sauver, il décide de travailler pour des trafiquants d’essence…
Notre avis : C’est dans une atmosphère électrique que commence Grigris. Dans un bar de nuit, un jeune homme de 25 ans danse sur une musique enjouée. Autour de lui, la foule crie son nom de scène, « Grigris », un nom qui, selon l’intéressé, porte bonheur. Grigris tremble, souri, exulte, s’abandonne à son art : malgré sa jambe paralysée, son spectacle est un succès. La fête bat son plein. Les néons réfléchissent sur les peaux luisantes de transpiration.
A l’image des précédents films de son réalisateur, Grigris aime prendre son temps pour décrire les faits et gestes de ses personnages dans leurs moindres détails. Les nombreuses scènes de danse sont sublimes, notamment grâce à la performance étonnante de son acteur principal, doté d’une souplesse incroyable. L’image possède une profondeur qui rend palpable la chaleur des corps et des décors, confirmant ainsi le sens de l’image que possède Haroun – la dernière séquence, celle d’une voiture en feu qui vient déchirer une composition immobile, est magnifique. La rencontre entre le figé et le mouvement offre alors aux humeurs les moyens de s’exprimer avec pudeur et générosité.
Grigris ose l’hyperbole mais n’atteindra jamais son objectif, à savoir celui de mêler au sein de ses images les deux extrêmes que représentent le bonheur du sentiment amoureux et le malheur de l’abandon, imposé par la fatalité – la maladie, la criminalité. Étouffé par ses nombreux et lourds enjeux, le film s’essaie aux grands écarts mais peine malheureusement à enclencher sa mécanique romanesque, et restera toujours spectateur des séquences peu emportées qu’il décrit. Il manque clairement le rythme d’une trame intrigante, une flamme qui anime ses personnages d’une exaltation, d’une humanité. Au contraire, tout semble calculé, posé sur les rails d’un scénario efficace mais terriblement simpliste, tant la surprise qui fait la force des grandes histoires y est absente. Surtout, c’est son manque d’émotions, malgré la présence de séquences puissantes, qui font de Grigris un film qui ne parvient jamais à saisir son spectateur : l’histoire d’amour entre Grigris et Mimi ne convainc pas, tandis que ses nombreuses figures – le beau-père malade, le malfrat, la prostituée, l’handicapé – souffrent d’un mutisme qui vient désamorcer la portée de leurs actions, pourtant disposées au sensationnel.
C’est finalement dans l’intelligence de son discours politique que Grigris parvient à capter l’attention de son spectateur. La volonté de personnifier l’Afrique en le personnage de Grigris relevait d’une ambition démesurée, mais force est de constater que le cinéaste tchadien évite de tomber dans le piège du symbolisme. Handicapé, naïf mais combattant et généreux, le jeune danseur représente l’espoir, l’ardeur, la chaleur d’une Afrique noire touchée par la misère, aussi bien culturelle qu’économique. De même, l’habile place donnée aux femmes – qui apparaissent comme les libératrices du héros, et donc du continent africain – vient insuffler une dose d’optimisme à un film qui manque hélas de sensations.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Terrence Baelen 12 juillet 2013
Grigris - la critique
Le film est bien construit mais n’implique pas assez son spectateur dans cette Afrique que l’on connait finalement assez peu.