Le 8 décembre 2015
Un drame paysan sec et sombre, un classique indémodable.
- Réalisateur : Jacques Becker
- Acteurs : Fernand Ledoux, Robert Le Vigan, Blanchette Brunoy, Germaine Kerjean, Georges Rollin
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 14 avril 1943
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– Sortie Blu-ray : le 16 décembre 2015
Un drame paysan sec et sombre, un classique indémodable.
L’argument : L’histoire des Goupi, paysans rusés, ayant pour théâtre un village charentais.
Notre avis : Tourné pendant l’Occupation, Goupi Mains Rouges est à l’opposé de la doctrine de Vichy ; là où le triptyque « Travail-Famille-Patrie » exalte les valeurs traditionnelles et le retour « sain » à la terre, Jacques Becker décrit une famille de paysans âpre au gain, repliée sur elle-même et définitivement noire. Leur bassesse s’exprime aussi par le langage, des surnoms donnés comme pour classer des êtres à la récurrence des dictons, qu’ils soient issus de la « sagesse populaire » (« qui paie ses dettes s’enrichit ») ou purement du crû (« Les affaires des Goupi ne regardent que les Goupi », ou « Les Goupi ne se mangent pas entre eux »). Ces phrases sont le reflet d’une existence sclérosée, dans laquelle le lieu commun sert de réflexion et bloque la pensée.
Le scénario, écrit par Pierre Véry qui a adapté son roman, saisit la famille au moment d’un événement, la venue du fils oublié depuis vingt-cinq ans, « Goupi Monsieur », qui peu à peu s’inclut dans le groupe et dont il épousera les valeurs en même temps que « Muguet », la seule (ou presque) que l’auteur sauve. Mais l’événement passe presque inaperçu, entre la fausse mort du centenaire, la naissance d’un veau, l’assassinat de « Tisane ». Commence alors, non pas une enquête au sens propre, bâclée, ratée par des gendarmes singulièrement incompétents, mais un approfondissement de ces portraits terribles, famille soudée dans la préservation d’un mode de vie impitoyable. Et c’est un défilé : le goût de l’argent, les secrets empoisonnés, les rapports de domination, l’exploitation, rien n’est épargné de cette fange. Certes, Véry conserve quelques moments doux, qui unissent Monsieur et Muguet, mais l’ensemble dégage une vision sombre et impitoyable qui laisse un goût amer.
L’une des réussites incontestables de Becker et de son scénariste, c’est de ne jamais perdre le spectateur dans les personnages, nombreux et caractérisés sans faille. Mais c’est l’ensemble de la mise en scène qui est à saluer : une caméra attentive aux moindres détails, des gros plans qui mettent en valeur les moments de violence, des cadrages et recadrages impeccables, un jeu magistral sur les ombres, notamment dans les séquences d’intérieur. Pour son deuxième film, Becker fait preuve d’une maîtrise remarquable. Il s’appuie également sur une interprétation hors-pair, avec en premier lieu un Fernand Ledoux tout de retenue et la performance hallucinée de Robert Le Vigan.
Film sombre dans une époque sombre, Goupi Mains Rouges est d’une sécheresse très moderne, sans afféteries, sans la grandiloquence qui entache certaines œuvres contemporaines. C’est aussi, à travers le personnage éponyme, la construction d’un caractère fort et attachant ; « Mains Rouges », victime d’une blessure de jeunesse, s’est retiré du monde qu’il juge impitoyable,lui, « le plus malin », l’un des rares capables d’empathie. Seul il comprend (qui a tué, où est le magot), parce qu’il sait observer, mais aussi parce qu’il a d’autres valeurs que sa famille : l’argent ne l’intéresse pas. La fin, emblématique, montre qu’il a repris la main, et qu’il veut préserver la lignée, sans les obsessions mortifères qui ne font que l’abaisser. En ce sens, mais de manière nuancée, un certain optimisme colore et adoucit ce beau, ce grand film classique.
Les suppléments :
Beau documentaire sur la restauration, mais il est également présent sur les deux autres Blu-ray de la collection (20 minutes). Avec la bande-annonce, une discussion entre deux spécialistes, courte mais dense, analyse le contexte, le film et sa réception (12 minutes).
L’image :
Belle restauration, qui redonne son éclat à un noir et blanc travaillé et souligne les contrastes. Un grain très prononcé par moments, mais globalement, c’est une réussite.
Le son :
Pour ceux qui fréquentent Goupi Mains Rouges depuis longtemps, la piste DTS-HD 2.0 est un bonheur : les dialogues sont parfaitement audibles (enfin, a-t-on envie de dire) et même limpides, et la musique « sonne » normalement pour un film de cette époque.
Galerie Photos
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