Le 4 juin 2023
Ce splendide récit d’un périple physique et intérieur est un choc visuel et narratif, quelque part entre Herzog et Bergman. Du grand art !
- Réalisateur : Hlynur Pálmason
- Acteurs : Elliott Crosset Hove, Jakob Lohmann, Ída Mekkín Hlynsdóttir, Hilmar Guðjónsson, Waage Sandø, Victoria Carmen Sonne
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Suédois, Danois, Islandais
- Distributeur : Jour2fête
- Editeur vidéo : Jour2Fête
- Durée : 2h23mn
- Titre original : Vanskabte Land - Volaða Land
- Date de sortie : 21 décembre 2022
- Festival : Festival de Cannes 2022
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Résumé : À la fin du XIXe siècle, un jeune prêtre danois arrive en Islande avec pour mission de construire une église et photographier la population. Mais plus il s’enfonce dans le paysage impitoyable, plus il est livré aux affres de la tentation et du péché.
Critique : Godland, coproduction française, danoise, suédoise et islandaise, est le troisième long métrage de Hlynur Pálmason, réalisateur islandais, dont l’existence est partagée entre son pays natal et le Danemark. Pálmason avait d’abord été artiste visuel avant d’être formé à l’École Nationale du Cinéma du Danemark, dont il est sorti diplômé en 2013. Winter Brothers (Festival de Locarno 2017), trip sensoriel et pictural, fut suivi d’Un jour si blanc (Semaine de la Critique 2019), caractérisé par un style distancié, atténué depuis. Présenté dans la section Un Certain Regard de Cannes 2022, Godland a sans doute été le meilleur film de cette section, bien que n’ayant récolté aucun prix. Le projet initial est venu de la volonté du réalisateur de traiter des rapports coloniaux entre le Danemark et l’Islande (un thème très rarement abordé au cinéma), à travers l’histoire de Lucas, un prêtre chargé d’une périlleuse mission. Le récit est découpé en deux parties. La première aborde le voyage de Lucas, accompagné d’une dizaine d’hommes, chargés de construire une église dans un village reculé d’Islande. Alors qu’ils auraient pu emprunter uniquement la mer, Lucas choisit de traverser les terres islandaises, afin de réaliser les premières photographies sur les habitants et le cadre naturel du pays. La seconde partie, qui les montre installés dans leur destination, relate l’élaboration de l’église, mais aussi le trouble croissant du prêtre, épuisé physiquement et mentalement par son aventure, et sujet à de troubles tentations.
- © 2022 New Europe. Tous droits réservés.
La narration est passionnante dans la description de ce cheminement intérieur, l’évolution du prêtre faisant quelque peu écho aux tourments de l’abbé Donissan dans Sous le soleil de Satan (Pialat, 1987, d’après Bernanos). Présenté au départ comme un homme fort, ambitieux et ayant la tête sur les épaules, Lucas montre vite ses limites, corporelles et psychologiques. Il peine à tenir debout sur son cheval, supporte mal le froid et les restrictions, mais surtout devient animé d’un sentiment de haine à l’égard de son guide islandais, au demeurant fort peu hospitalier. Car les Danois ne sont pas les bienvenus dans ce territoire isolé, et même les colons originaires de Copenhague s’avèrent méfiants à leur égard. Et quand la fille de son hôte lui fait des avances, l’ecclésiastique ne manifeste que quelques réticences de principe : « Pour être dévot, je n’en suis pas moins homme », faisait dire Molière à l’un de ses plus célèbres personnages... Mais Lucas est tout sauf un intégriste et un hypocrite : c’est un être profondément meurtri par la réalité qu’il découvre. L’acteur Elliott Crossett Hove, fidèle du réalisateur, lui apporte son jeu habité et nuancé.
- © 2022 New Europe. Tous droits réservés.
Dans les notes d’intention, le réalisateur précise que son film « explore les liens familiaux, l’acceptation du mythe, et un certain réalisme magique. C’est également un voyage au cœur de l’ambition, de l’amour et de la foi, ainsi que de la peur de Dieu, du besoin et de la volonté de trouver sa place, d’être vu, d’appartenir à quelque chose ». Un aspect profondément bergmanien imprègne ce film, surtout au niveau des dialogues et du questionnement métaphysique. Mais la première partie, celle qui cerne les mystères d’une nature et d’une population inconnues, évoque par certains aspects le Herzog de Aguirre, la colère de Dieu, voire le Coppola d’Apocalypse Now. Pálmason ne se laisse pas écraser par ces références et impose son véritable style, utilisant à merveille des décors et espaces qu’il a revisités de nombreuses fois, sans céder aux plans touristiques et à la belle image. Ce qui n’empêche pas la perfection formelle de l’ouvrage, à laquelle on peut associer ses collaborateurs, dont la directrice de la photo Maria von Hausswolff. Au final, Godland est assurément une grande réussite, qui confirme l’importance de son auteur.
Le test Blu-ray
Image :
Le spectateur est prévenu par un choix de format 1.33 atypique mais motivé : tourner un film en 35mm est rarissime mais contribue à l’atmosphère particulière de ce film où les hommes sont confrontés à des éléments les dépassant souvent.
Son :
Godland est proposé en danois sous-titré en français (pas de version française optionnelle), le tout en stéréo (Dolby 5.1). Cela peut éventuellement en rebuter certains mais préserve, à n’en point douter, une réelle authenticité qui rime avec qualité.
Suppléments :
Deux suppléments particulièrement intéressants sont offerts au spectateur qui pourra en savoir plus sur les intentions du réalisateur et sa filmographie :
– un entretien avec le cinéaste Hlynur Pálmason (presque 25 minutes plaisantes passées en sa compagnie) ;
– un court métrage récent, Nest, d’une vingtaine de minutes, toujours du même réalisateur (datant de 2022).
– Sélection officielle Cannes 2022 : Un Certain Regard
– Sortie DVD/Blu-ray : 16 mai 2023
Galerie Photos
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