Les ravages de l’alcool
Le 9 février 2018
Véritable expérience sensorielle et picturale, le premier film du plasticien Hlynur Pálmason n’est pas qu’une performance formaliste puisqu’il parvient également à rendre touchant un drame intime.
- Réalisateur : Hlynur Pálmason
- Acteurs : Lars Mikkelsen, Elliott Crosset Hove, Silon Sears
- Nationalité : Danois, Islandais
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h34mn
- Titre original : Vinterbrødre
- Date de sortie : 21 février 2018
- Festival : Festival de Locarno 2017
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Résumé : Emil travaille avec son frère dans une carrière de calcaire et vend aux mineurs l’alcool frelaté qu’il fabrique. Les relations changent lorsqu’Emil est accusé d’avoir préparé une mixture qui a empoisonné l’un d’entre eux.
Critique : Décidemment, le cinéma islandais a le vent en poupe. Après les succès de Béliers en 2016 ou encore Heartstone en décembre dernier, le nouveau cinéaste à nous venir de cette île volcanique se nomme Hlynur Pálmason. Même si son film a été tourné et coproduit au Danemark –centre névralgique du cinéma nordique–, on y retrouve une certaine imagerie qu’il partage avec ses compatriotes. Et comment ne pas trouver naturel leur goût pour des univers visuels si âpres et minimalistes de la part de personnes originaires d’un pays aux paysages rocailleux ? Pálmason n’est d’ailleurs pas un néophyte puisqu’il s’est précédemment fait connaître en tant que plasticien et a déjà signé plusieurs courts-métrages.
Ce qu’il parvient à rendre tangible dans son premier long-métrage est le trouble qui pèse dans les relations sociales au sein d’une communauté de mineurs pris dans un hiver très rude. Dès la scène d’ouverture, le réalisateur nous plonge dans un microcosme visuel et sonore terriblement étouffant. Cette atmosphère pénible, voire même sordide malgré la blancheur virginale des décors enneigés, c’est celle du quotidien d’Emil et Johan. Le plus jeune de cette fratrie, Emil, est un garçon asocial, un peu naïf, et pour qui le spectateur ne tarde pas à ressentir une certaine empathie malgré son comportement anxiogène envers sa jolie voisine. On comprend aussi très vite que ce sympathique balourd n’est accepté par ses collègues que grâce à l’alcool frelaté qu’il prépare secrètement et leur vend sous le manteau. C’est aussi de là que viendront ses problèmes.
- Copyright Arizona
La façon très brute dont est filmé le mode de vie de ces ouvriers et le mépris impardonnable dont le contremaître de la mine fait preuve envers Emil, qui à côté de ça s’entraîne au fusil, laisse aisément présager vers quelle fin explosive se dirige le film. C’est ainsi que Pálmason pose les bases de ce qui semble être une inévitable montée de tension, avec laquelle il va jouer, non pas en filmant la violence de façon frontale, mais au contraire en focalisant sa caméra sur la quête d’affection d’Emil pour faire ressortir l’universalité du drame qui se noue sous nos yeux.
La photographie organique de Sigurður Guðmundsson et le mixage sonore immersif sont tous deux mis au profit d’un dispositif qui flirte à plusieurs reprises avec le surréalisme. En plus de l’exercice de style, la puissance émotionnelle donnée à un sujet aussi abstrait que le manque d’amour fonctionne avant tout grâce à la prestation impressionnante d’Elliott Crosset Hove. À l’inverse du personnage de Johan (incarné par Simon Sears) dont la mise en scène magnifie la beauté virile, Emil est présenté de la façon la plus dégradante qui soit, sans que son interprète ne le fasse sombrer dans la pure figure pathos. C’est grâce à cette retenue dans la dramatisation que le spectateur s’attache à lui, permettant au réalisateur de mieux jouer avec nos attentes et nos émotions via sa réalisation hors du commun.
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