Glass - M. Night Shyamalan - critique

Critique : Split était pour son réalisateur une résurrection artistique. Après le twist inattendu de celui-ci, le réunissant à l’univers d’Incassable, Shyamalan semblait reprendre du poil de la Bête ! Glass se veut comme l’antithèse complète des univers ultra-codifiés de Marvel et DC, une œuvre anti-spectaculaire portée sur ses anti-héros marginaux, en proie à de violents troubles existentiels. Sommes-nous vraiment ce que nous croyons être ou, au contraire, des êtres bercés d’illusions pour fuir la dure réalité ? C’est la richesse thématique de Glass. Au-delà de sa dimension humaine, le métrage propose une véritable relecture (voire une déconstruction) d’un genre désormais surexploité : le super-héroïsme.

Le récit, dont la majeure partie se situe dans un asile psychiatrique, montre des figures de l’ordinaire, faillibles. Ici, pas de cape, ni de super-pouvoirs excessifs, encore moins d’iconisation outrancière. Même si les os de David Dunn sont incassables, son mental ne l’est pas. Quant à la Bête sanguinaire, elle cache en réalité un enfant docile, en cruel manque d’affection. Enfin, Elijah Price, avide de pouvoir et de reconnaissance, souffre de son physique disgracieux. Shyamalan rappelle tout le paradoxe qui réside entre un monde obsédé par le contrôle et l’équilibre sociétal, étouffant ses êtres extraordinaires, et cette force dissidente éternelle, prônant l’émancipation, le rappel au potentiel exceptionnel de chacun d’entre nous se terrant depuis des décennies dans les pages de comics. L’anti-manichéisme s’incarne également dans la mise en scène, synthèse protéiforme des deux précédents volets, qui conjugue à merveille le style graphique d’Incassable à l’esthétique froide et anxiogène de Split, pour une narration ne se reposant jamais sur ses acquis.

Purement inc(l)assable, Glass, en dépit de quelques maladresses d’écriture, demeure une expérience assez revigorante, qui prend la forme d’une méditation désabusée sur la mythologie du "surhomme" inhérente à la culture américaine, pour mieux la questionner, une réflexion méta-cinématographique, déjà brillamment traitée au sein des premiers films X-Men. Perfectible, peut-être inabouti dans sa démarche, mais jubilatoire.