Gilets de sauvetage - La chronique BD

Le 2 juillet 2018

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Scénariste : Allain Glykos>
Dessinateur : Antonin
Genre : Autobiographie, Document, Roman graphique
Editeur : Cambourakis
Famille : BD Franco-belge
Date de sortie : 2 mai 2018

Disponible sur

Depuis l’île de Chio, Allain Glykos et le dessinateur Antonin livrent un récit poignant sur la crise migratoire.

Séparée de la Turquie voisine par un bras de mer, l’île grecque de Chio constitue une porte d’entrée vers l’Europe et la première étape d’un long et périlleux périple pour des milliers de migrants. Gilets de sauvetage narre le quotidien bouleversé de l’île, entre bande dessinée de reportage et récit autobiographique.

Résumé : Allain Glykos et sa femme se rendent sur l’île de Chio en pleine crise des migrants, afin de saisir le sens de cette tragédie et de sortir des discours anxiogènes véhiculés en Europe. Le lecteur accompagne le couple dans ses découvertes et ses interrogations, tandis que le sort de migrants livrés à eux-mêmes dans le dénuement le plus complet contraste cruellement avec les plages paradisiaques peuplées de touristes en quête d’exotisme. L’exil de ces milliers de personnes réveille également la douloureuse mémoire familiale d’Allain Glykos, omniprésente dans le récit, et donne lieu à des parallèle entre l’actuelle "crise des migrants" et la "Grande catastrophe" qui provoque le départ d’Anatolie de centaines de milliers de Grecs après la guerre gréco-turque (1919-1922).

Proposé par le duo Allain Glykos (scénariste-personnage) – Antonin (dessinateur), Gilets de sauvetage s’inscrit dans la continuité de Manolis, qui retrace l’exil subi par le père d’Allain Glykos en 1922, mais aussi d’Ernest, du seul Antonin, qui retrace l’histoire de la présence française en Cilicie après la Première Guerre Mondiale. Le récit sensibilise le lecteur aux problématiques complexes liées à la crise migratoire : les dangers de la traversée, bien sûr, mais aussi le ressenti des habitants, qui mêle compassion, peur instinctive de l’étranger et crainte que cette situation ne fasse dégringoler l’économie locale très liée au tourisme. Les partis-pris narratifs de Gilets de sauvetage écarte résolument le récit de l’exposé journalistique pour faire partager au lecteur le ressenti et les impressions du couple face à cette situation. L’ouvrage intègre une dimension mémorielle lorsqu’il met en parallèle la crise migratoire actuelle et l’exil paternel. Un parti-pris intéressant et pleinement assumé, dont les sceptiques diront qu’il demeure européocentré, tandis que naissent des bandes dessinées réalisées par les migrants eux-mêmes. La volonté des personnages de comprendre la situation et l’appel à la mémoire familiale font que le récit échappe aux poncifs du genre tout en se distinguant par sa sensibilité.

L’ouvrage se distingue par sa réussite graphique. Les couleurs vives et claires rendent parfaitement l’atmosphère lumineuse de l’île, qui contraste avec le débarquement nocturne des migrants, dessiné sans pathos inutile. Le choix de représenter les dialogues avec différentes couleurs selon la langue usitée s’avère particulièrement judicieux, tout comme l’insertion ponctuelle de photographies et le recours aux dessins d’enfants.

Gilets de sauvetage est un livre engagé et engageant, témoignage sensible et sans clichés de la crise migratoire qui secoue l’Europe et le Proche-Orient depuis plusieurs années. La bande dessinée est un medium particulièrement sollicité pour raconter la crise migratoire, comme l’ont mis en évidence la très belle exposition à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration et plus récemment le festival Lyon BD

158 pages - 20 €