Nixon sur le grill
Le 1er avril 2009
La confrontation entre un homme de télévision anglais et un ancien président des États-Unis, sous la forme d’interviews incisives. Une démonstration de virtuosité pour deux acteurs exceptionnels, mais filmée avec académisme.
- Réalisateur : Ron Howard
- Acteurs : Sam Rockwell, Michael Sheen, Frank Langella
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 1er avril 2009
- Plus d'informations : Site du distributeur
– Durée : 2h02mn
– Titre original : Frost/Nixon
La confrontation entre un homme de télévision anglais et un ancien président des États-Unis, sous la forme d’interviews incisives. Une démonstration de virtuosité pour deux acteurs exceptionnels, mais filmée avec académisme.
L’argument : En 1977, l’interview télévisée de l’ancien Président Richard Nixon menée par David Frost a battu le record d’audience de toute l’histoire du petit écran américain pour un magazine d’actualités. Plus de 45 millions de personnes ont assisté à un fascinant affrontement verbal au fil de quatre soirées. Un duel entre deux hommes ayant tout à prouver, et dont un seul pouvait sortir vainqueur. Leur affrontement a révolutionné l’art de l’interview-confession, a changé le visage de la politique et a poussé l’ancien Président à faire un aveu qui a stupéfié le monde entier... à commencer sans doute par lui-même.
Notre avis : Pour le cinéma américain des trente dernières années, s’attaquer à la représentation des années Nixon et de leur héritage immédiat semble toujours prendre la forme d’un travail d’autopsie ou au moins de filtre révélateur sur une Amérique désenchantée, en proie au malaise économique et social, pansant les plaies de ses vétérans du Vietnam. Dans un tel cadre, la présidence Nixon a cristallisé ce climat de morosité et de perte de confiance autour du scandale du Watergate, affaire d’espionnage du parti démocrate dans laquelle la Maison-Blanche s’était retrouvée impliquée. Si les États-Unis ne pouvaient plus croire en leur propre président, vers quelles idoles se tourner ? C’est le constat amer de l’un des personnages du film lorsqu’il rappelle que le seul legs véritable de Nixon à l’histoire américaine est d’avoir accolé le suffixe “-gate” à tous les scandales politiques des décennies suivantes. Et en effet, en proposant au dramaturge Peter Morgan d’adapter pour l’écran sa propre pièce créée à Londres, Ron Howard réalise moins une radiographie générale qu’une ponction minutieuse d’un fragment de la fresque sociale américaine. L’intrigue se concentre sur les interviews accordées - moyennant une rémunération conséquente - au journaliste anglais David Frost par l’ancien président, sur les principales charnières de sa vie et de son mandat. Ce parti pris narratif est piquant, novateur, car il permet de saisir le point de vue d’un regard extérieur sur une figure présidentielle accusée de tous les maux par ses concitoyens. Tandis que Frost et le spectateur s’attendent à un individu schématique, embrouillé dans ses souvenirs et aisément discernable, Nixon se présente comme un homme teinté de nuances : froid mais ponctuellement émotif, courtois mais rationnellement calculateur, aimable mais pétri d’intransigeance. Le titre du film est à entendre non pas comme un reportage “de” Frost “sur” Nixon, mais comme un véritable face-à-face : Frost va apprendre à s’armer contre un adversaire moins prompt à capituler qu’il n’y paraissait au premier abord. À cet égard, les fondations les plus sûres du film reposent sur la virtuosité du couple Michael Sheen (le troublant Tony Blair de The queen) et Frank Langella, dont l’interprétation, même si elle occupe le terrain de personnages réels, échappe délibérément à "l’authenticité" du biographique pour se loger dans des registres plus inattendus et par là plus ambitieux : l’amertume personnelle, la solitude, la revanche mesquine, l’arrivisme et le regret du pouvoir...
Pourtant, le film peine aussi à magnifier jusqu’à sa pleine puissance ce numéro de haute-voltige des acteurs. Ron Howard se trouve aux prises avec une énigme première : comment filmer un scénario basé sur une pièce de théâtre censée relater des événements réels, mais eux-mêmes conçus pour la télévision ? Devant le casse-tête des différents médiums, la mise en scène hésite ; même si le scénario est porté par une dynamique efficace et joue sur une certaine tension, il demeure très “écrit” et enfermé dans le cadre théâtral. Howard dès lors en est souvent réduit à plaquer un dispositif télévisuel qui sort rarement de la triade champ / contre-champ / environnement extérieur. Les séquences d’interviews reproduisent assez fidèlement une atmosphère de huis-clos dense, mais le reste du fil narratif, qui vise à retracer la “genèse” des émissions (l’absence de financement, le travail d’enquête...) reste largement sur des sentiers battus et semble avoir la fonction purement formelle de faire varier un peu le rythme du film. C’est avec honnêteté mais banalité que ce dernier cède à l’académisme, malgré quelques pistes ouvertes et intriguantes, comme le choix de filmer de manière documentaire de faux témoignages personnels interprétés par les autres acteurs (les sobres mais impeccables Kevin Bacon ou Matthew Macfadyen par exemple). On retiendra au bilan un duo fascinant, mais qui manque sa portée réelle : est-il possible de prétendre à la reconstitution d’un moment historique, tout ponctuel soit-il, sans se défaire des oeillères des conventions ?
- © Imagine Entertainment
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Norman06 1er avril 2009
Frost / Nixon, l’heure de vérité - La critique
Bon film politico-historique, complémentaire du biopic Nixon de Oliver Stone, mais plus proche de la veine de The Queen de Frears. Si l’on peut être agacé par cette mode des compositions d’acteurs "imitant" un personnage contemporain, Frank Langella ne cherche pas pour autant à "singer" Nixon : il recrée le Président et réussit à montrer le côté à la fois manipulateur et pitoyable du politicien. 2 heures de vrai plaisir !