Famille, je vous hais !
Le 24 mars 2009
Arslan dénonce l’absurdité humaine. Violence morale et passion aveuglante pour une œuvre austère et radicale.
- Réalisateur : Yilmaz Arslan
- Acteurs : Xewat Gectan, Erdal Celik, Nurettin Celik
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
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Troisième et merveilleux film d’un auteur turc qui dénonce à sa façon l’absurdité humaine. Violence morale et passion aveuglante font de Frères d’exil, une œuvre austère et radicale.
L’argument : Le jeune Kurde Azad quitte ses parents pour rejoindre son grand frère en Europe. Arrivé en Allemagne, il intègre un foyer d’accueil, où il fait la connaissance d’Ibo, un orphelin de neuf ans, lui aussi d’origine kurde. Une profonde amitié naît entre les deux garçons.
Mais une mauvaise rencontre avec deux frères d’origine turque dégénère en crime et ravive les tensions entre communautés...
Notre avis : Durant les années 80, le paysage culturel turc a été chamboulé par une grave crise économique : baisse progressive de la production, auteurs essayant tant bien que mal de concrétiser leurs projets et surtout création artistique se relâchant régulièrement. La situation était devenue tellement désespérante qu’elle ne pouvait que redémarrer de zéro. Or depuis quelques années et ce grâce à une pléiade de jeunes auteurs, l’imaginaire turc redéploie ses ailes ; d’Uzak (Nuri Bilge Ceylan) à Head-on (Fatih Akin), sa richesse et son inventivité en font l’un des cinémas les plus passionnants qui soient.
Yilmaz Arslan ne déroge pas à la règle. La courte filmographie de ce jeune Allemand d’origine turque est centrée principalement autour du refus du communautarisme. Déjà dans son second film, Yala (1998), il suivait les pérégrinations d’une jeune femme turque tiraillée entre deux cultures, refusant d’opter pour l’une ou pour l’autre et qui finalement choisissait de vivre pleinement sa vie tout en conservant son identité. Dans Frères d’exil, son troisième film, il narre les périples de deux jeunes enfants d’origines kurde dans un pays étranger, l’Allemagne. A l’issue de leur voyage, ils devront faire face à un ennemi qu’ils n’auraient jamais soupçonné : leur communauté.
La mise en scène est dénuée de fioritures, d’effets tape-à-l’œil et de mouvements de caméra futiles. Arslan est un cinéaste qui va droit au but sans être schématique ou didactique. Ses dialogues ne sont pas redondants, ses acteurs sont d’une véracité totale car non professionnels (un choix judicieux) et l’esthétisme utilisé, un éclairage naturel et une lumière assez froide, affermissent ses propos. Arslan, à l’évidence, ne prend pas de gants pour dénoncer la bêtise qu’engendre l’intégrisme communautariste. "Avant d’écrire le scénario, explique-t-il, j’ai relu plusieurs tragédies classiques où l’on retrouve le même schéma : la communauté impose ses lois et réduit ainsi à néant toute marge de manœuvre individuelle. Pour moi l’individualisme est le dernier rempart contre le diktat des communautés : lui seul permet encore à l’homme de trouver sa propre voie et d’avoir du respect pour la vie."
Frères d’exil est une œuvre pasolinienne. Comme son illustre prédécesseur, Arslan filme sans retenue une société violente, indigne et irrespectueuse. Aucune mystification, aucune illusion, rien que du concret, de la froideur et de la véracité. Arslan respire, tout comme le cinéma turc !
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