Fils de - la critique du film

Fils de brille par son amateurisme mais au-delà de la forme c’est un autoportrait sincère, drôle et touchant.

L’argument : Alors qu’il s’apprête à commencer le tournage de son nouveau film de fiction, Hervé découvre, médusé, son fils faire ses premiers pas. Pour Gwen, sa compagne, c’est l’occasion de mettre Hervé au pied du mur : soit il continue seul sa vie d’acteur-réalisateur porno minable, soit il prend ses responsabilités et devient un cinéaste traditionnel et un papa normal.
Sans scrupule, il décide de tout arrêter et laisse son équipe en plan pour tourner un documentaire improvisé sur sa paternité. Caméra à la main, il se met à interroger ses proches pour l’aider à trouver une réponse : comment être un bon père ? Entre tournages X, préparation des biberons et discussions en famille, une semaine tragi-comique dans la vie d’HPG.

Notre avis : C’est un film réalisé avec deux bouts de ficelle où prédomine l’esprit punk, libre et provocateur du DIY (Do It Yourself). A vrai dire on a l’impression que techniquement n’importe qui pourrait en faire autant. Heureusement pour les spectateurs, tous les films familiaux ne finissent pas dans les salles obscures. Pour ça, il faut bien un ingrédient unique, quelque chose qui fait que le film vaut la peine d’être vu. Fils de possède cet ingrédient. Le film n’a pas vraiment de style, il ne ménage pas de suspense, il ne raconte pas une histoire surprenante. Non, tout l’intérêt du film tient dans la profession de HPG. On ne se met pas tous les jours dans la tête d’un acteur porno. C’est intéressant de voir comment vit quelqu’un qui passe son temps à s’objectiver pour assouvir des fantasmes. On ne sait pas trop si tout ce qu’on voit dans le film est authentique ou alors mis en scène. Peu importe : ce qui compte c’est la vérité du propos, et ce n’est pas bien grave si on y arrive via le biais de l’autofiction avec tout ce que ça suppose comme arrangement avec les faits. De toute façon il est illusoire de croire qu’on peut filmer une réalité brute dans interférer avec elle. Le portrait ici semble élaboré avec sincérité.

© Capricci Films

© Capricci Films

On pouvait craindre l’entreprise de séduction consistant à dévoiler derrière l’acteur X la facette d’un père aimant et attentionné. Mais pas du tout : HPG se livre sans faux-semblants, avec ses doutes, ses questionnements, sans essayer de s’abriter derrière un masque qui en ferait un être humain censé ressentir ceci ou cela selon l’idée universelle finalement assez abstraite de l’Homme. Alors oui il a une très grande libido, oui il regrette parfois sa liberté d’avant, oui il ne sait pas s’il est taillé pour son rôle de père. Et en même temps il est père, alors il faut bien faire avec. Mais comment fera-t-il plus tard pour parler de son métier à ses enfants ? Le voilà troublé, indisposé dans son travail, il se cherche. A vrai dire, si le film ne contenait que ces aspects psychologiques, on s’en ficherait un peu. Ça ne ferait à la limite qu’un bon documentaire pour la télévision. Ce ne sont pas plus les apparitions de gens connus (Christophe, Izia Higelin) qui suscitent l’intérêt, au contraire ces rencontres paraissent plutôt superflues. Non, ce qui est plaisant dans le film, ce sont les scènes où HPG est au travail. Non pas qu’elle soient excitantes : il n’y a rien de racoleur dans ces scènes, les images sont cadrées avec pudeur. Par contre elles sont montées comme des sketchs et on rigole beaucoup.

© Victor Podgorsk

© Victor Podgorski

Une scène emblématique : on voit HPG et son assistant peindre le ciel, des montagnes et une prairie sur une toile blanche. Puis devant une tente, un acteur et une actrice habillés en tyroliens. En arrière plan, l’assistant imite le cri de la chouette. A peu de chose près en termes de dialogues, ça donne ceci. Actrice : hmmmm il fait froid, j’aurais bien besoin de me réchauffer. Acteur : ça te dirait une petite bûche ?. Puis la compagne d’HPG débarque et perturbe le tournage. Dans une autre scène HPG troublé n’arrivant plus à bander nous fait voir son métier via le prisme de la technique : on se met à espérer avec lui qu’il va trouver une solution à son problème. L’air de rien, il convertit notre regard. A un autre moment on assiste à un tournage avec deux jeunes éphèbes et des femmes plutôt âgées. Après le plan, ils parlent de leur métier, de leurs désirs, de leurs doutes aussi, et c’est touchant. On arrive à un bel équilibre entre humour et émotion. Ainsi Fils de fait sourire mais donne aussi à comprendre, ouvrant ainsi sur la possibilité d’aimer tous ces acteurs d’un genre réprouvé, en laissant de côté tout jugement moral. Cette approche est somme toute plutôt sympathique.