Le 20 février 2013
- Réalisateur : Enzo d’Alo
Entretien avec Enzo d’Alò, réalisateur innovant et Lorenzo Mattotti, illustrateur reconnu. Deux amis et collaborateurs à l’origine d’une toute nouvelle version de Pinocchio...
Entretien avec Enzo d’Alò, réalisateur innovant et Lorenzo Mattotti, illustrateur reconnu. Deux amis et collaborateurs à l’origine d’une toute nouvelle version de Pinocchio...
aVoir-aLire : Dans quelle mesure est-ce difficile de réinterpréter une oeuvre aussi majeure que Pinocchio ?
Enzo d’Alò : On a besoin d’une certaine maturité pour reprendre une oeuvre déjà exploitée. Il est important d’avoir une nouvelle approche d’un conte aussi connu. En aucun cas il ne doit s’agir d’une copie d’un long-métrage déjà réalisé. Pinocchio est une histoire qui permet d’exploiter et de cultiver de nombreux points de vue. Chaque réalisateur va transférer dans ce conte une partie de lui même, ses expériences personnelles. Il ne s’agit pas seulement de raconter cette extraordinaire histoire, mais bien de se l’approprier et de la restituer différemment. Dans cette interprétation, j’ai décidé de favoriser le point de vue de Gepetto, c’est une approche très contemporaine. C’est intéressant de penser à un menuisier qui se créé son propre fils, tout comme un père de famille pourrait le faire dans une certaine mesure. Tout comme dans la réalité, les soucis proviennent majoritairement du fait que les enfants se révèlent rarement comme les parents l’attendent... C’est ce que j’ai tenté d’exprimer a travers la première scène du film. L’on y voit Gepetto jeune, courir avec un cerf-volant, tout comme n’importe quel enfant le ferait. Mais il s’avère qu’une fois l’âge mûr atteint, il oublie ses frasques d’antan.
Lorenzo Mattotti, vous êtes reconnu comme un auteur de bande-dessinée majeur. Etait-il complexe d’insuffler votre style très particulier à un support ambitieux comme celui-ci ?
Disons que j’avais une excellente base, si je puis dire. Je pense bien sûr à l’album de Pinocchio publié il y a déjà plus de 20 ans de cela. Le principal enjeu de ce projet était à la fois de suivre le scénario et de rester fidèle à mon travail. Derrière chacun des dessins du film se dessinent les racines de la culture italienne de l’époque de Collodi. Cela m’a permis de m’imprégner des paysages nécessaires au film.
Pinocchio m’a permis de dessiner la Toscane... C’était très enrichissant.
Comment se justifie le choix de l’animation pour ce film ?
Le film d’animation permet de se substituer à un langage universel. Les spectateurs comprennent les images quelque soit leur nationalité. C’est une grande force. Le fait de travailler avec des dessins et non des photographies permet de décontextualiser. Dans Pinocchio il y a une sorte de métamorphose du paysage de la Toscane, par exemple. L’illustration transforme la réalité mais la laisse pourtant transparaître. Ça n’est pas un style naturaliste comme pouvaient l’être les peintures de fin de siècle. Les couleurs du film sont d’une force exagérée, tout comme les teintes de notre culture.... Celle de la télévision en tous cas.
A quel public s’adresse cette interprétation de Pinocchio ?
On ne doit pas faire des films exprès pour les enfants. Cela revient à croire qu’il y a des choses qu’ils ne comprennent pas vraiment. Si on donne les bons outils, ils perçoivent les enjeux d’une situation même mieux que les adultes. Quand je décide de faire un film, je ne le fais jamais particulièrement pour une tranche d’âge. Je peux prendre le parti de le réaliser de manière plus accessible pour eux, en évitant les scènes de violence par exemple, mais c’est tout. Si l’esthétique peut surprendre les plus jeunes de prime abord, ils sont rapidement fascinés par l’histoire. Je crois que voir ces dessins qu’ils n’ont pas l’habitude de croiser par ailleurs permet une ouverture plus grande de leur imaginaire.
Pour autant, Pinocchio a une vraie trame, c’est loin d’être une fable pauvre. Il y a différents niveaux de lecture. Le style graphique de ce film notamment est extrêmement original, ce qui interpelle souvent les intellectuels car c’est novateur.
Que représente réellement le personnage de Pinocchio pour vous ?
Pinocchio est un enfant à la recherche de son identité et d’une plénitude. Comme tous les enfants du monde d’ailleurs, quelque soit leur couleur de peau. Le symbole fort de cette situation est que le pantin ignore tout des codes de la société dans laquelle il est catapulté. Dans ce monde, à l’époque de Collodi, tout le monde dit une chose et en pense une autre. Pinocchio rencontre de nombreuses personnes lors de ses péripéties. Il est ingénu alors, il doit faire le choix d’aller à l’école ou bien d’aller jouer dehors. Or quel enfant choisirait librement l’éducation ? Il y a également une forte discrimination à l’oeuvre. Pour un enfant de bois, trouver sa place au milieu de bambins de chair est une affaire impossible.
Pouvez vous citer une scène du film qui vous a particulièrement marquée ?
Enzo d’Alò : Sûrement la rencontre de Gepetto et Pinocchio dans le ventre de la baleine. C’est un moment clef du film.
Lorenzo Mattotti : J’adore les pêcheurs verts. Ce sont des personnages que les réalisateurs oublient souvent lorsqu’ils créent un nouveau Pinocchio. Ils les trouvent inutiles peut-être... Mais c’est tellement fort, tellement bizarre... Je me suis beaucoup amusé en les dessinant.
La version de Pinocchio d’Enzo d’Alò sera dans les salles obscures dès le 20 février.
Propos recueillis à Paris, le 12 février 2013
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