De bruit et de fureur
Le 9 octobre 2009
Albert Dupontel signe un "cartoon social" aussi désopilant qu’étourdissant, dans lequel il convie les fantômes de Tex Avery et Buster Keaton.
- Réalisateur : Albert Dupontel
- Acteurs : Albert Dupontel, Claude Perron, Nicolas Marié
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
– Durée : 1h28mn
– Le site du film
Albert Dupontel signe un "cartoon social" aussi désopilant qu’étourdissant, dans lequel il convie les fantômes de Tex Avery et Buster Keaton.
L’argument : Un sans-abri trouve un uniforme de flic et le met pour manger dans les cantines de la police. Il se rend compte rapidement que cet uniforme lui permet désormais des choses qu’il n’aurait jamais pu envisager...
Notre avis : Albert Dupontel est-il masochiste ? C’est la première interrogation qui nous vient à l’esprit en sortant de la projection d’Enfermés dehors, son troisième long-métrage après Bernie (1996) et Le créateur (1999). Son personnage se prend des murs, des armoires, des poteaux, des scooters, se casse des dents et défonce des épiceries mais il en ressort toujours indemne, à l’instar des personnages de cartoons croqués par Tex Avery. Et comme dans les petits chefs-d’œuvre du maître américain, nous prenons un malin plaisir, effet cathartique oblige, à assister aux sévices que Dupontel inflige à son corps ou plutôt au corps de Roland, son personnage.
On l’aura compris, dix ans après, le cinéaste retrouve la folie destructrice de son premier film. Ce Roland n’est d’ailleurs pas très éloigné de Bernie. Les deux personnages, en plus de cette violence infantile, partagent la même naïveté et la même innocence, la société n’ayant pas réussi à les corrompre, tout simplement parce qu’elle ne les a jamais acceptés. Dès lors, il n’est pas étonnant que Roland se cogne partout puisqu’il est littéralement "enfermé dehors" (très beau titre), comme s’il cherchait à tâtons la lumière, il le crie d’ailleurs par deux fois dans son armoire d’infortune, et comme s’il voulait trouver la porte de sortie d’un monde qui le rejette, lui et ses compagnons de galère.
Cette porte de sortie, elle va se matérialiser en uniforme de police. Le simple fait de revêtir ce bout de tissu va ouvrir à Roland un nouveau monde des possibles et le faire basculer "de l’autre côté", avec toute la puissance comique que cela implique et qui est fort bien exploitée par Dupontel. Cette première inversion des rôles est une idée à la fois séduisante et ludique et l’on regrette un peu qu’elle contamine petit à petit, de manière attendue, d’autres personnages (nous n’en dirons pas plus...).
Dire que la mise en scène est percutante, est un euphémisme. Dupontel nous travaille au corps et met parfois nos rétines à rude épreuve par le biais d’un montage nerveux, tout en nous permettant de souffler de temps en temps grâce à des envolées aériennes dues à la virtuosité de sa steadycam. Gaspar Noé n’est pas loin. L’univers esthétique du film, notamment la lumière et certains effets, n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de l’auteur d’Irréversible (dans lequel joue Dupontel), l’humour et l’aspect enfantin en plus : la pellicule qui s’emballe (autre clin d’œil à Tex Avery) et surtout cette manie de jouer avec la caméra en la mettant à des endroits improbables (sur une porte tournante ou à la place d’une goutte d’eau de perfusion !). Même si la "touche Dupontel" va encore être décriée par certains, elle n’a sans doute jamais été aussi légitime que dans cette BD filmée, portée par des acteurs cartoonesques à souhait (mention spéciale pour Yolande Moreau, en roue libre) et qui regorge de répliques souvent irrésistibles.
Ce chaos (K.O.) visuel s’accompagne d’un chaos sonore plutôt réussi, en particulier les passages orchestrés par deux membres du groupe Noir Désir (à noter d’ailleurs les cris de Bertrand Cantat sur le morceau En route pour la joie qui distillent un certain malaise quand on sait qu’il est, lui, "enfermé dedans"...).
Albert Dupontel s’est donc transformé en Buster Keaton high tech pour nous livrer cette fantaisie urbaine, furieusement drôle, dont on ressort sur les rotules, totalement lessivés mais terriblement heureux d’avoir pu y assister. Alors, Dupontel, maso ? Réponse : oui...et nous aussi.
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alinea 7 avril 2007
Enfermés dehors - la critique
Dupontel est extraordinaire et son humour noir décalé fait mouche chez moi. Délire de la "cour des miracles", scénario très original avec rythme d’enfer... suréaliste ! Des clins d’oeil jouissifs pour un film humain très réussi. Trash et débridé, on passe un excellent moment. La musique dépote, la caméra fait des cascades et les acteurs sont poétiques et performants. Ne le ratez pas !
FrancoisP 27 février 2023
Enfermés dehors - la critique
Excellent souvenir de ce film vu en avant première en compagnie de son créateur, Monsieur Dupontel.
Il avait expliqué à l’époque s’être quelque peu assagi avec ce film. Tout est relatif, mais en partant de Bernie, il y avait un peu de marge !
Le film n’en reste pas moins du Dupontel est se regarde toujours avec autant de plaisir.