Territoire ennemi
Le 25 juin 2013
Delirium tremens d’1h30, En pays cannibale est une franche réussite à laquelle on pardonne aisément ses impairs étourdis.
- Réalisateur : Alexandre Villeret
- Acteurs : David Saracino, Axel Philippon, Ivan Cori
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
- Durée : 1h24mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 26 juin 2013
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Delirium tremens d’1h30, En pays cannibale est une franche réussite à laquelle on pardonne aisément ses impairs étourdis.
L’argument : Loin d’un Paris de carte postale, Max et sa bande de pieds-nickelés se trimballent dans les profondeurs d’un petit milieu de citadin décalé, animé par les teufs, le sexe et les drogues. Un "trip-tease" de 48 heures, et une escalade de situations déjantées dans les bas fonds de Paname. Bienvenue en pays cannibale.
Notre avis : Bienvenue en France. Nous sommes en 2013. Bienvenue dans une société gangrenée par le capitalisme, où la drogue suinte du corps financier comme le pus d’une plaie infectée. Système corrompu, citoyens désoeuvrés, âmes en peine... Il n’y a aucune issue. Le fléau qui dévaste ce territoire anthropophage ? La lâcheté. C’est cette même veulerie qui motive chaque action de Max. Flanqué de ses compères Lenny et Yoann, le jeune homme va alors filmer quarante-huit heures de son quotidien, les dernières de son existence. Ainsi commence l’ultime incursion dans les vapeurs putrides de ce pays cannibale.
La scène d’ouverture du long-métrage laissait présager le pire. L’apitoiement du personnage principal sur lui-même, ressassant un traumatisme d’enfance, augurait une intrigue digne d’un étudiant en première année de faculté de cinéma trop infatué pour être conscient. Max a beau blâmer son père de s’être suicidé alors qu’il n’était qu’un enfant de quatre ans, le spectateur ne peut y voir qu’une nouvelle manifestation de la faiblesse pathologique qu’est la sienne. Devenu dealer de drogue, et consommateur assidu, il dénonce l’absence d’une figure paternelle. Le mort n’a pas eu le temps de « lui apprendre les bonnes manières » ou « faire de lui un homme ». Marijuana, cocaïne, LSD, héroïne, se manifestent alors comme un exutoire à sa douleur. Peu satisfaisant, ce fil rouge persiste en filigrane tout le long de l’oeuvre. Il se révèle fort heureusement bien en-deçà du reste, et finalement anecdotique.
Ennobli d’une bande-sonore exceptionnelle, En pays cannibale peut s’enorgueillir d’avoir revalorisé un style pourtant usé jusqu’à la corde. Le montage nerveux, contrastes poussés à l’extrême, voix-off omniprésente, le film s’empare avec maestria d’absolument tous les codes de la génération Y sans les caricaturer pour autant. Entre délire électro et visions chimiques, Alexandre Villeret expose sans pudeur une galerie de personnages exotiques et cauchemardesques, tous en proie à leur propre névrose. Angelo, machiste de la première heure, Gros Louis, obèse morbide dorloté par deux entremetteuses en porte-jarretelles, Joséphine, amoureuse maladive.... La faune urbaine du long-métrage n’a pas son égal. Et si les expériences visuelles procurées sont inoubliables, le coeur du scénario n’est pas en reste. En pays cannibale jette en pâture au spectateur de purs instants de grâce, où la candeur de l’être se mêle aux disgrâces qui l’affligent. Certaines scènes, tout bonnement incroyables et auto-suffisantes, s’imprègnent douloureusement sur la rétine de quiconque aura osé les regarder dans leur intégralité. Le dialogue des trois acolytes, sur un banc public, au sujet de la viande de fast-food directement transformées de fèces humaines, choque, enthousiasme et répugne autant qu’il fascine.
Réussite éclatante, En pays cannibale se fait pardonner ses maladresses d’apprenti en injectant dans la veine du divertissement un produit de qualité. Coupé avec beaucoup d’humour noir, le film honore son réalisateur, et nous donne rendez-vous dans les bas-fonds d’une nation carnassière.
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