En cloque, mode d’emploi - la critique

La bonne surprise US par l’équipe de Quarante ans, toujours puceau.

L’argument : Ben Stone coule des jours heureux avec ses quatre inséparables copains Jonah, Jayson, Jay et Martin, aussi glandeurs et débraillés que lui. Outre leur amitié, un projet hautement culturel les réunit : créer un site payant, "starsapoil.com", qui offrira aux internautes des scènes de nu de leurs actrices favorites.
La belle Alison Scott, assistante de production d’une chaîne télé hollywoodienne, habite avec sa sœur aînée Debbie et son beau-frère Pete un quartier résidentiel qui sied à son style bon chic bon genre. Bosseuse et ambitieuse, la jeune femme vient tout juste d’être promue au rang d’intervieweuse de célébrités. Pour fêter l’événement, elle se rend en boîte avec Debbie, et au terme d’une soirée passablement arrosée, ramène Ben chez elle pour un "quickie" sous la couette. Le lendemain, dégrisée, elle l’éjecte gentiment mais fermement. Fin de l’histoire ? Pas tout à fait, car, huit semaines plus tard, des nausées suspectes lui révèlent son état...

Notre avis : Tels deux films d’une même famille, En cloque, mode d’emploi rappelle inéluctablement Quarante ans, toujours puceau. Non seulement parce que la même équipe reprend du service (sans la révélation Steve Carell - qui se contente d’un cameo sympa) mais surtout souffre d’un titre français débile qui pousse le spectateur à faire l’impasse au lieu de se laisser tenter. Et, encore une fois, ce serait dommage de passer à côté de la meilleure comédie américaine de l’année avec Smiley face, de Gregg Araki (qui sort en décembre). Certes, le film est trop long (plus de deux heures) mais il se suit avec le plaisir d’une série télévisée pas calibrée à l’humour de balourd et pourvue de personnages tellement mal assortis qu’ils en deviennent très attachants. Ce qui séduit ici, c’est la façon dont Judd Apatow fait affleurer l’essentiel des relations homme-femme aujourd’hui. La peinture du couple qui attend un enfant est bien vue. L’homme et la femme se sont rencontrés un soir en discothèque et il a suffit d’une fois pour que cette dernière tombe enceinte. A partir de là, ils forment un couple pas franchement amoureux et presque obligé de se mettre ensemble. Les différences d’humeur sont considérables parce qu’ils ne se connaissent pas depuis longtemps et ne vivent pas sur la même planète. Le comique repose donc sur ce décalage hilarant que le spectateur lui-même peut ne pas comprendre au premier coup d’œil.
Comme dans Quarante ans, toujours puceau, le scénariste Judd raconte deux trois trucs très justes voire subtils que l’on a tous connus sur la vie de tous les jours (la complicité avec les potes de longue date, les choix cornéliens, les doutes sur son partenaire sexuel, les jalousies et lâchetés qui ne se disent pas). Conscient qu’il possède suffisamment de substance, le réalisateur Apatow se contente de bien choisir le casting et de travailler une BOF idoine. Pour la mise en scène, on repassera parce qu’on n’est pas là pour ça. On est là parce que le film est souvent drôle et réussit même l’exploit de répondre directement à ceux qui ne le trouveraient pas drôle. En donnant notamment à réfléchir sur le sens de l’humour (est-ce qu’il est possible de rire de tout avec tout le monde ? est-ce grave si la petite copine ne comprend pas toutes les vannes balancées par son mec ?). Au-dessus des standards actuels, ce film dynamite la comédie US avec un sens inné du rire et sa capacité à dire des choses profondes voire désagréables sous la futilité. Dans son genre, très fréquentable.