Le 12 novembre 2015
Avec Crazy Amy, Judd Apatow réussit le tour de force de proposer une comédie grand public impertinente sur des personnages imparfaits et donc terriblement humains.
- Réalisateur : Judd Apatow
- Acteurs : Daniel Radcliffe, Tilda Swinton, Ezra Miller, Bill Hader, Amy Schumer
- Genre : Comédie dramatique, Comédie romantique
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h05mn
- Date télé : 5 décembre 2016 22:15
- Chaîne : Canal + Cinéma
- Titre original : Trainwreck
- Date de sortie : 18 novembre 2015
- Festival : Festival de Deauville 2015
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Avec Crazy Amy, Judd Apatow réussit le tour de force de proposer une comédie grand public impertinente sur des personnages imparfaits et donc terriblement humains.
L’argument : Depuis sa plus tendre enfance, le père d’Amy n’a eu de cesse de lui répéter qu’il n’est pas réaliste d’être monogame. Devenue journaliste, Amy vit selon ce crédo – appréciant sa vie de jeune femme libre et désinhibée loin des relations amoureuses, qu’elle considère étouffantes et ennuyeuses ; mais en réalité, elle s’est un peu enlisée dans la routine. Quand elle se retrouve à craquer pour le sujet de son nouvel article, un brillant et charmant médecin du sport nommé Aaron Conners, Amy commence à se demander si les autres adultes, y compris ce type qui semble vraiment l’apprécier, n’auraient pas quelque chose à lui apprendre.
- © 2014 Universal Studios
- © 2014 Universal Studios
Notre avis : On pouvait redouter de Crazy Amy qu’il ne soit qu’un ersatz de Inside Amy Schumer, la série à succès de l’humoriste dans laquelle elle soigne déjà son personnage de salope assumée, infidèle, alcoolique et superficielle. Mais au détour d’un dialogue astucieux avec son éditrice, Amy commence son show lorsque cette dernière la coupe net : « Est ce que c’est ton one woman show ? Parce que je n’ai pas pris de ticket pour ça. ». Dès lors, Crazy Amy ne sera effectivement pas un nouveau stand-up d’Amy Schumer mais bien un film à part entière, jouant autant sur le comique de cette variation d’elle-même que sur une introspection parfois douloureuse de sa propre existence.
La présence de Judd Apatow au poste de réalisateur n’est évidemment pas étrangère à cela. De ses propres mots, ce qui l’a intéressé chez Amy Schumer est qu’elle est aussi « franche que vulnérable ». La poussant dans cette direction, elle délivre un scénario dont l’héroïne est évidemment cette version appuyée d’elle-même, une fêtarde invétérée douée d’un sens comique aigu pour tout ce qui touche au dessous de la ceinture, mais elle s’attache aussi à retranscrire la part d’ombre de ce personnage dont elle ne parle pas dans son stand-up. Crazy Amy est une introspection profonde de la comédienne sur elle-même, de son père atteint de la sclérose en plaques à sa relation avec sa sœur à la vie diamétralement opposée, mariée et mère de deux enfants, tout est véridique et Trainwreck (que l’on pourrait traduire « épave ambulante ») parvient ainsi à sonner juste à chaque instant.
- © 2014 Universal Studios
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Le drame a souvent pris le dessus chez Judd Apatow, inondant ses films comme une tache d’encre avec pour point d’orgue son superbe et déchirant Funny People. Ici, le réalisateur de 40 ans toujours puceau et En cloque, mode d’emploi, revisite la comédie romantique new-yorkaise, un genre ultra codé auquel il insuffle un véritable sens de la punchline et une impertinence acerbe (cette blague sur Woody Allen notamment, détruisant tout le mythe romantique autour de la célèbre image du banc près du pont de Manhattan). La bonne idée de Crazy Amy est de déplacer la rom-com classique dans un récit suivant une relation qui dure, Trainwreck ne se borne ainsi pas au simple jeu de séduction mais étudie sur deux heures les hauts et les bas d’une relation amoureuse naissante dans laquelle les deux participants tentent de faire survivre l’amour qu’ils portent l’un pour l’autre.
Judd Apatow ne se prive donc pas d’aborder les pans les plus sombres du personnage d’Amy. Si son tempérament autodestructeur est autant vecteur de situations comiques que dramatiques, le second pan prend le dessus sur le premier dès lors qu’il vient compromettre sa relation amoureuse. Du sexe comme seul rapport affectif à l’auto dépréciation totale qui pointe dans le terrible : « Pourquoi tu m’aimes ? », Crazy Amy cerne son personnage sur tous les plans et fait converger son ambition professionnelle, son passé, son enfance comme autant d’éléments avec lesquels jongler pour construire une relation durable.
- © 2014 Universal Studios
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Crazy Amy est donc un véritable tour de force. Au travers de la superbe séquence de l’enterrement, faisant côtoyer de façon frontale l’humour et la mort, Amy célèbre une personnalité qui n’était pas quelqu’un de bien mais qui est toujours restée authentique, ce qui sonne comme une note d’intention de tous les derniers films d’Apatow dans lesquels les personnages sont rarement des gens biens, se révélant dans leurs actions des plus néfastes et des plus imparfaits et donc terriblement humains. Si Crazy Amy se moque à plusieurs reprises du « cinéma Sundance » à travers ce film en noir et blanc que regardent plusieurs personnages tout au long du film, suivant Daniel Radcliffe réciter de grands discours sur la vie en promenant des chiens, c’est bien pour montrer qu’il est aussi possible d’aborder des thèmes complexes à l’intérieur d’une comédie grand public, comme se targuent de faire ces productions souvent vides et poseurs. Crazy Amy se révèle être un divertissement ambitieux, irrévérencieux et acerbe. Drame intimiste et comédie romantique respectueuse des codes qui la constituent, le film de Judd Apatow s’affirme comme une alternative bienvenue au morne paysage de la comédie française qui pollue parfois nos écrans. À ne pas manquer donc.
- © 2014 Universal Studios
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