Le 7 octobre 2020
Un chant poétique et militant en faveur d’un Brésil au bord de la rupture, qui espère, après l’épouvante du labeur, les réjouissances du carnaval.
- Réalisateur : Marcelo Gomes
- Nationalité : Brésilien
- Distributeur : JHR Films
- Durée : 1h26mn
- Titre original : Estou me Guardando para Quando o Carnaval Chegar
- Date de sortie : 7 octobre 2020
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Résumé : Dans la région reculée du Nord Este au Brésil, le petit village de Toritama est un microcosme du capitalisme impitoyable. Chaque année, plus de 20 millions de paires de jeans sont produites dans des usines de fortune. Les gens du pays travaillent sans arrêt, fiers d’être maîtres de leur temps. Pendant le Carnaval, seul moment de loisir de l’année, ils transgressent la logique de l’accumulation des biens, vendent leurs affaires sans regret et fuient vers les plages à la recherche du bonheur éphémère.
Critique : Cette voix vieillissante, à peine assurée, c’est celle de Marcelo Gomes. L’homme raconte la ville de son enfance qui s’est transformée en un vaste chantier de fabrication de jeans. Les factions ont remplacé les maisons d’habitation. Et les gens se soumettent au rythme effrayant de la production des pantalons, dans un tumulte de sons, de fatigue, de sueur et de résignation. Le capitalisme s’étend dans la ville à ciel ouvert avec, en contrechamp, la promesse d’une vie faste où l’argent serait le passeport d’une existence légère et magnifique. Pendant ce temps, la caméra suit les pancartes immenses qui bordent le désert, avec pour toile de fond, la musique délicate et sensible de Bach. En attendant le carnaval raconte, dans une pudeur presque poétique, l’enivrement de l’argent jusqu’à l’écœurement. Le réalisateur accompagne la cadence folle des ouvriers derrière leur machine à coudre, les sonorités mécaniques et sourdes, comme pour renforcer l’extraordinaire violence du capitalisme.
- Copyright JHR Films
Le cinéma contemporain s’attaque de plus en plus à la question du capitalisme, dans ce qu’il peut avoir de plus fou. Même les enfants s’identifient dès le plus jeune âge au labeur de leurs parents, qui ne sont plus capables de discerner l’aveuglement dans lequel ils sont plongés. Les pantalons s’entassent dans des charrettes et l’existence moderne s’invente de nouvelles formes d’esclavagisme. Les courants économiques récents, ravivés par les crises financières qui se succèdent, s’intéressent de plus en plus à la question du bonheur dans la société. C’est peut-être le projet secret de Marcelo Gomes qui, à travers la promesse du carnaval, tente de rendre palpable le sens d’une existence à travers autre chose que le travail et l’argent.
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Puis Marcelo Gomes coupe le son. La musique au piano reprend. L’homme parle de son cinéma, de la façon singulière qu’il a de saisir la beauté des gestes accomplis par les travailleurs. Il emprunte alors une langue très noble, très belle. Il revient aux choses essentielles : la nature, le souffle du vent, le passage des gens dans les maisons qui avoisinent la ville. Çà et là, on continue d’élever des chèvres dans l’immense plaine désertique, on garde une poule et les chats reprennent leurs droits au milieu des piles de jeans. Gomes invite le spectateur à réinventer la vie à travers son film. Il montre l’absurdité de l’hyper-productivisme qui pousse les ouvriers à s’abrutir de travail. Le cinéaste parle beaucoup du temps qui passe, de la précipitation que le rythme du travail impose à ces existences brésiliennes.
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La dernière demi-heure est consacrée à la promesse du carnaval. Les habitants, après s’être contraints pendant des mois au labeur, se mettent à vendre tous leurs biens, dans le seul but de partir à la plage et de participer à la fête. Le bonheur devient lisible dans les yeux. La musique s’empare des maisons, les plages se gonflent d’alcool et de joie. Et les gens endossent leur seconde peau à travers les déguisements de carnaval. En attendant le carnaval est un film très troublant. Tout autant pamphlet contre le capitalisme et nostalgie de l’enfance du réalisateur, le documentaire choisit la poésie en tant que fil conducteur à cette critique des temps modernes. Le moment du carnaval est très court, comme pour mieux marquer l’abrutissement des gens au travail. Il s’agit presque d’une œuvre testamentaire du réalisateur, qui vient peut-être déposer son dernier rêve sur l’écran.
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