Leçon de morale
Le 3 février 2009
Une mise en scène subtile malheureusement au service d’une thèse sans équivoque sur les limites morales à ne pas dépasser. Pour Jonathan Zaccaï tout de même.
- Réalisateur : Joachim Lafosse
- Acteurs : Jonathan Zaccaï, Yannick Renier, Jonas Bloquet
- Genre : Drame, LGBTQIA+, Teen movie, Film de sport
- Nationalité : Français, Belge
- Durée : 1h45mn
- Date de sortie : 4 février 2009
- Festival : Festival de Cannes 2008
Résumé : Jonas, seize ans, vit un nouvel échec scolaire et pense pouvoir tout miser sur le tennis mais il échoue aux portes de la sélection nationale. Il rencontre Pierre, un trentenaire, qui touché par sa situation, va le prendre en charge. Fort de ce lien privilégié, Jonas abandonne l’école publique. Incapable de fixer les limites de cette relation, l’éducation va dépasser le cadre purement scolaire.
Critique : D’un point de vue formel, le quatrième long-métrage de Joachim Lafosse est une superbe démonstration de la mécanique de la manipulation orchestrée par un homme à la perversion raffinée, à l’encontre d’un jeune adolescent influençable et sans repère. Sous couvert de reprendre l’éducation du jeune homme en échec scolaire et lâché par ses parents divorcés, ce bienfaiteur « désintéressé » (Jonathan Zaccaï, plus qu’impeccable comme d’habitude), aidé par un couple d’amis, va prolonger son enseignement sur le terrain de la sexualité, et plus particulièrement de l’homosexualité. Malgré l’aspect sordide indéniable de cette histoire, Lafosse évite avec soin la vulgarité et autres trivialités voyeuristes en filmant ses personnages avec une sobriété remarquable, usant d’une caméra prude sachant jouer avec le hors-champ, à tel point que les scènes les plus dérangeantes, et les plus réussies, sont celles des repas entre le jeune Jonas et ses mauvais génies. C’est lors de ces échanges verbaux savoureux qu’ont lieu les rares mouvements de caméra, des mouvements lents et sinueux illustrant à merveille la fascination quasi démoniaque exercée par les trois adultes sur le jeune garçon.
Mais, paradoxalement, le malaise engendré par ce film ne provient finalement pas de ce sujet hautement casse-gueule qui aurait pu faire déraper bon nombre de cinéastes. Non, il s’agit plutôt d’un problème idéologique. Lafosse nous propose une morale grossière, à sens unique, selon laquelle le dépassement de nos limites et le libertinage sont forcément néfastes (le couple d’amis se sépare et Zaccaï ne serait qu’un triste homo refoulé). Nous avons le droit de remettre en question cette thèse d’autant plus douteuse qu’elle s’appuie sur une situation a priori peu vraisemblable : un adolescent livré à lui-même dont les meilleurs amis ont presque la quarantaine. Ce point de départ difficilement crédible, en tous cas assez rare, empêche le propos du cinéaste de tendre à l’universel.
Lorsque Jonas joue au tennis, la caméra reste exclusivement sur lui et on a l’impression qu’il joue seul. C’est un peu le souci de Lafosse : il ne joue pas avec nous. Il assène une morale sans qu’il y ait d’échanges possibles avec le spectateur, sans qu’une autre voie soit explorée ou suggérée. Il joue contre un mur. Non seulement cela gâche l’élégance de la mise en scène mais en plus, face à ce didactisme unilatéral, cela donne à l’élève/spectateur l’envie irrésistible de sécher et faire le mur justement. Dommage.
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Frédéric Mignard 16 février 2009
Élève libre - Joachim Lafosse - critique
Même avis que Sébastien. Un film au postulat de destruction de l’innocence de l’adoscence aussi séduisant qu’artificiel (le rapport entre le jeune et les trois adultes est très mal défini). En tout cas, voilà un film qu’il est pervert !
Marine Bénézech 17 février 2009
Élève libre - Joachim Lafosse - critique
Il y a effectivement une certaine perversité dans ce film. Mais je ne suis pas sûre d’y voir une quelquonque leçon de morale... L’adolescent se laisse faire, ne se défend pas, en redemmande même. L’engrenage de la situation est bien montré par une mise en scène en huis clos quasiment constante.
roger w 18 février 2009
Élève libre - Joachim Lafosse - critique
Pervers à plus d’un titre, cet "élève libre" se révèle maladroit dans sa façon de présenter les motivations des personnages adultes. Il est également touchant dans sa volonté de choquer et s’apparente ainsi au "ma mère" de Christophe Honoré. A noter la prestation très juste de Jonas Bloquet, la révélation du film. Pour amateurs de films bizarres.
Norman06 29 avril 2009
Élève libre - Joachim Lafosse - critique
Passionnant récit d’une manipulation, ce conte immoral confirme le talent singulier de Joaquim Lafosse. Outre la richesse du scénario, on retiendra l’impeccable direction d’acteurs dont ce trio de beaux (et bons) comédiens : Jonas Bloquet (futur César ?), Jonathan Zaccaï et Yannick Rénier.