Election 2

Second volet d’un dyptique monstrueux.

L’argument : Wo Sing est la plus ancienne triade de Hong Kong. Sous l’autorité de son chef actuel, Lok, elle est devenue l’organisation criminelle la plus respectée de la ville. Jimmy, gangster cultivé, cherche à se réhabiliter en bâtissant un empire industriel légal. La rentabilité de ses affaires font de lui un candidat idéal pour l’élection prochaine du nouveau chef. Mais sa notoriété attire également l’attention des autorités chinoises, car il est le parfait intermédiaire pour négocier une coexistence pacifique entre le gouvernement central et les triades. Le régime de Pékin lui propose de lui ouvrir l’accès au marché de la Chine populaire s’il accepte de diriger Wo Sing pendant deux ans. Jimmy perçoit toute l’ironie de la situation : le voilà contraint de devenir chef d’une triade afin d’échapper enfin à leur emprise...

Notre avis : Si vous avez aimé le premier Election (sorti la semaine d’avant), alors il y a de fortes chances pour que vous adoreriez le second. Quelque part entre Martin Scorsese (Les affranchis), Francis Ford Coppola (Le parrain) et Tsui Hark (la trilogie Il était une fois en Chine), Johnnie To - qui n’a pas à rougir de ces comparaisons flatteuses - signe avec sa maestria coutumière un second volet âpre, déroutant, cannibale et impressionnant, qui repose sur le même raisonnement que le premier Election (l’homme est un loup pour l’homme quels que soient les milieux) même si l’action se déroule deux ans après. Le réalisateur continue d’autopsier le monde des triades chinoises pour en décortiquer les mœurs dangereuses avec la précision d’un documentariste aguerri et le regard tantôt tendre tantôt horrifié d’un cinéaste avisé.
En confinant par intermittences à l’abstraction même s’il privilégie la théorie à l’illogisme, To donne la liberté à chacun de tirer sa propre morale de cette histoire tortueuse : on peut la prendre comme une critique féroce du néocapitalisme chinois, une saga dantesque hantée par la mort et la vengeance, une exploration unique d’un univers impitoyable. Impossible après ça de discuter la virtuosité flamboyante d’un cinéaste, ici économe de ses effets, qui sait créer des atmosphères stimulantes et tailler à même les ténèbres des personnages déchirés par des démons intérieurs et des choix cornéliens. Ainsi, tous les éléments qui peuvent paraître incidents sont reliés de manière cohérente. Une scène effrayante avec des chiens, située au milieu du film, atteint le même paroxysme horrifique et spectaculaire que la grande scène finale du premier Election. Mais ce n’est pas de la complaisance : dans les deux cas, il y est question d’animaux et d’animosité humaine. C’est dans ces scènes cruciales et douloureuses que réside tout le paradoxe de cette saga, plus simple que complexe, où devenir parrain représente à la fois un honneur et une menace : la démocratie officielle peut engendrer l’avilissement officieux comme les soubassements louches. Politiquement, c’est peu dire que l’opus possède une résonance subversive. En terme de cinéma, les degrés de lecture assurent une densité vertigineuse.