Le 5 août 2017
L’ancien "maitre du polar" hongkongais se réinvente en s’attaquant à un mélange de genres improbable : La comédie musicale financière !
- Réalisateur : Johnnie To
- Acteurs : Chow Yun-fat, Tang Wei, Eason Chan, Sylvia Chang
- Genre : Romance, Comédie musicale
- Nationalité : Chinois
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h59mn
- Box-office : 3.297 entrées France / 2.317 entrées Paris Périphérie
- Titre original : Hua Li Shang Ban Zu
- Date de sortie : 9 août 2017
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Résumé : Hong Kong, 2008. Le jeune idéaliste Lee Xiang et la surdouée Kat Ho font leurs débuts chez Jones & Sunn, une multinationale sur le point d’entrer en bourse. Alors que la banque Lehman Brothers fait faillite aux États-Unis, la tension commence à se faire sentir au sein de l’entreprise. Lee Xiang et Kat Ho vont petit à petit découvrir le monde extravagant et outrancier de la finance…
Critique : Voilà déjà huit ans que Johnnie To a perdu tout crédit en France, coupable impardonnable de la fausse bonne idée de donner le rôle principal d’un de ses films à Johnny Hallyday. Depuis, aucune de ses réalisations n’a eu l’honneur d’être diffusée dans les principaux réseaux de diffusion. Il faut bien reconnaître que, même si le cinéaste hongkongais n’a rien perdu de son talent (La vie sans Principe, en 2011, était très bon), son rythme de production stakhanoviste, qui s’élève désormais à pas moins de deux films par an, s’accompagne immanquablement d’une sérieuse perte en ambition formelle. Alors pourquoi Office a-t-il droit à une exploitation en salles, même s’il n’arrive chez nous que près de deux ans après sa sortie en Chine ? Tout simplement parce que celui qui, dans les années 2000, était considéré comme le « maitre du polar », fait un virage radical puisqu’il range (temporairement) les gunfights entre gangsters belliqueux pour porter à l’écran l’adaptation de la comédie musicale Desing for Living. Une pièce, écrite par la Thaïlandaise Sylvia Chang (à qui d’ailleurs a été offert l’un des rôles principaux), ayant pour toile de fond la crise financière de 2008, dont Johnnie To a tout de même dû changer le titre pour se différencier du chef-d’œuvre de Lubitsch.
- Copyright Carlotta Films
Vus par les yeux de deux jeunes assistants fraîchement débarqués dans la multinationale Jones & Sunn, le pouvoir de l’argent et le cynisme carnassier de ceux qui s’y adonnent, sont les deux piliers sur lesquels Johnnie To semble vouloir bâtir une dénonciation cinglante des dérives de l’économie de marché dans le dernier grand pays prétendument communiste. Pourtant, le fait que ceci ait besoin de se faire par le biais d’une comédie musicale pop et légère pour atteindre son public sans subir l’ingérence d’une censure que l’on sait pesante en Chine est la preuve que le pays n’est pas prêt à regarder la vérité en face comme le firent les États-Unis avec Wall Street, de Oliver Stone, il y a déjà trente ans. Et puisque l’on compare Office au cinéma américain, notons que les récents Margin Call et plus encore The Big Short ont réussi à nous offrir une vulgarisation dans leur traitement du krach financier alors qu’ici, les choses restent opaques. L’effondrement des marchés boursiers semble même n’être qu’un simple rebondissement à mi-parcours du film, qui ne sert finalement que de prétexte à une crispation des rapports de force entre les différents personnages. Ce sont donc les conflits internes, incluant les liens du sang, et l’inhumanité vers laquelle peut mener l’ambition personnelle qui, bien qu’elles restent très simplistes, sont les pistes intéressantes de ce scénario ; et là Johnnie To reste dans un domaine qu’il maîtrise puisque l’entreprise apparaît de fait comme une véritable mafia.
- Copyright Carlotta Films
La qualité d’une comédie musicale s’évalue à ses scènes chantées et dansées. Irrémédiablement, la virtuosité visuelle qui a su faire le succès des scènes d’action des précédents films de Johnnie To repose sur un sens du rythme dans ses découpages et ses mouvements de caméra. Ces deux éléments permettent aux passages musicaux de profiter d’une mise en scène fluide harmonieusement chorégraphiée. Les chansons elles-mêmes ne sont certainement pas mémorables, mais l’agréable façon avec laquelle elles sont mises en images fait des morceaux des véritables moments de respiration dans un scénario qui s’essouffle vite ; elles sauvent donc le film du statut de pensum verbeux et frileux. En revanche, n’espérez pas voir Chow Yun-fat pousser la chansonnette. Non, l’ancien Mark du Syndicat du Crime, désormais sexagénaire, est ici un homme froid et inexpressif, à tel point qu’on en vient à se demander s’il est vraiment à l’aise dans cet univers visuel bariolé et superficiel. Un design tape-à-l’œil qui renvoie évidemment davantage au cinéma populaire chinois qu’aux productions où le réalisme brut et désenchanté servait de socle à une certaine poésie qui avait fait, dans les années 90 et 2000, la réputation internationale de Johnnie To et de ses compatriotes Tsui Hark et Wong Kar-wai. C’est à croire qu’il aura fallu vingt ans pour que la rétrocession chinoise finisse par faire son effet sur l’un des derniers défenseurs de l’indépendance artistique hongkongaise ! L’avenir (Élection 3 ?) nous le dira.
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