La révolution sexuelle n’aura pas lieu...
Le 12 novembre 2012
Une évocation séduisante de la vie d’Alfred Kinsey, pionnier de la sexologie. Dommage que le réalisateur ait manqué d’ambition.
- Réalisateur : Bill Condon
- Acteurs : Liam Neeson , Laura Linney, Chris O’Donnell
- Genre : Biopic
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Warner Home Video
- Durée : 1h58mn
- Date de sortie : 6 avril 2005
Une évocation séduisante de la vie d’Alfred Kinsey, pionnier de la sexologie. Dommage que le réalisateur ait manqué d’ambition.
L’argument : En 1948, aux Etats-Unis, Alfred Kinsey donne une grande claque à l’Amérique puritaine en publiant un rapport sur les habitudes sexuelles de ses compatriotes. Cette étude scientifique sans précédent, basée sur des milliers de témoignages d’hommes et de femmes sur leur vie intime, a bouleversé les idées reçues et levé le voile sur un des sujets les plus tabous de la société.
Notre avis : Lorsqu’au milieu des années 40, le Dr Kinsey décida de délaisser sa passionnante collection d’hyménoptères cynipidae - des guêpes sans dard paraît-il - pour se consacrer à l’étude de la vie sexuelle de ses compatriotes, bien lui en prit. C’est également ce que pensèrent les nombreux étudiants qui se mirent à fréquenter son cours sur le mariage, consacré essentiellement à la vie intime du couple. A l’époque, il faut dire que l’éducation sexuelle des jeunes Américains se résumait à la diffusion de rumeurs fantaisistes sur les risques de stérilité liés à la pratique du cunnilingus ou de doctes mises en garde sur l’effrayante prolifération de la syphilis. (C’est facile de moquer mais rappelons-nous qu’en 1969, année érotique, la France fredonnait encore candidement « Annie aime les sucettes... »). Biologiste scrupuleux, Kinsey se lança dans une étude d’envergure sur les pratiques sexuelles de ses compatriotes, publiée en 1948 sous le titre Sexual behavior in the human male. Et l’Amérique de se regarder, mi-choquée, mi-fascinée, dans un miroir, et de découvrir que les relations conjugales ne constituaient qu’une façon sur les neuf utilisées par ces messieurs pour atteindre le nirvana. Néanmoins, du statut de héros révolutionnaire, le professeur Kinsey va passer très vite à celui de paria en révélant cinq ans plus tard que leurs mères, sœurs, épouses et filles se masturbent, ont des relations sexuelles avant le mariage et trompent leurs maris. Société puritaine certes, mais surtout misogyne...
Si la première partie du film, consacrée à la fulgurante et enthousiasmante ascension du professeur Kinsey est très réussie, Bill Condon se contente, dans la deuxième, de narrer sa disgrâce, sans analyser véritablement les raisons de son échec. Or on ne peut s’empêcher de penser que malgré des intentions tout à fait louables, Kinsey fut non seulement en grande partie responsable de sa chute, mais pava également la route de ses détracteurs. En effet, voilà un homme, qui sous couvert d’une approche purement scientifique, se refusa à toute réflexion éthique et se livra à des expérimentations techniques contestables, tant sur le plan moral que scientifique. Certes, le réalisateur explore les failles de Kinsey, ses interrogations sur ses propres tendances sexuelles, sa condamnation timide et maladroite de la pédophilie. Mais il élude finalement la question de la responsabilité du scientifique, dont les travaux électrisèrent une société qu’il aurait dû ménager, pour plomber la fin du film avec une conclusion sentimentale.
A croire que les cinéastes américains sont encore malgré eux taraudés par le complexe du Cercle des poètes disparus, autrement dit le bon professeur incompris. Il a beau avoir la tête de Liam Neeson, ça devient lassant...
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Patrick 11 avril 2005
Dr Kinsey - la critique
L’histoire : En 1948, aux Etats-Unis, Alfred Kinsey publie un rapport historique sur les habitudes sexuelles de ses compatriotes. Ce document fait l’effet d’une bombe. Pour la première fois, le comportement sexuel humain fait l’objet d’une étude scientifique. Son travail déchaîna les passions et déclencha des polémiques qui font encore rage aujourd’hui.
Sujet bien porteur dans un contexte difficile, le film montre toute l’étendue du puritanisme de l’époque et des problèmes qu’il pouvait engendrer. Malheureusement si on se laisse facilement emporter par une bonne moitié du film, avec la jeunesse de Kinsey, tout ce qui fait qu’il va arriver sur le chemin qu’on lui connaît et sa première étude, à l’époque révolutionnaire, le film piétine un peu. Son mode de construction est hyper classique :
1. Situation problématique (et bien sûr totalement rétrograde par rapport à nos critères actuels)
2. Au terme d’un parcours qui ne le destinait pas forcément à cette voie, le docteur Kinsey (qui a beaucoup de raisons personnelles) se pose en personnage révolutionnaire et sauveur. Acclamations. Quelques critiques.
3. Dérapages, réaction de l’opinion publique, descente aux enfers.
4. La fin : oui il a commis pas mal d’erreurs, oui il n’était pas parfait, mais bon, il a fait progresser les choses de manière impressionnante (illustré par une scène malheureusement un peu larmoyante). Fin ouverte : bon, il y a encore du boulot !
J’avoue que les parties 3 et 4 m’ont un peu refroidi, surtout quand ce découpage vous apparaît pendant le film, signe pour moi d’un détachement certain (= le film ne me passionne plus).
En plus (et là je ne sais pas si Kinsey était bien comme ça, ou si c’est un choix du réalisateur ), le film montre beaucoup sans vraiment prendre parti ni sans chercher à comprendre, principalement au niveau des raisons des dérapages de Kinsey. La seule impression qui ressort est celle d’une espèce de fièvre sans qu’on en sache plus. Un scientifique pourtant se doit de réfléchir au sens et aux implications de ce qu’il fait, ce que le Kinsey du film ne fait pas. On trouve bien quelques mots qui peuvent fournir un début d’explication pour ce point, à savoir L’amour n’est pas mesurable, on ne peut donc l’étudier, mais c’est vraiment mince et ça n’excuse aucunement l’absence de réflexion morale de Kinsey.
Bref, un bon début, mais on atterrit ensuite trop rapidement et beaucoup trop tôt.
Equivalent àVoir-àLire : 2 (petits) yeux.