Mécanique mal huilée
Le 29 mars 2018
Au-delà de ses réunions aux Alcooliques Anonymes et de quelques-uns de ses dessins les plus emblématiques, on n’apprendra pas grand-chose sur John Callahan. Ce qui manque le plus de lui, c’est son goût de la provocation, absente de l’hommage douceâtre que lui a rendu Gus Van Sant.
- Réalisateur : Gus Van Sant
- Acteurs : Joaquin Phoenix, Jack Black, Udo Kier, Kim Gordon, Jonah Hill, Rooney Mara, Mark Webber
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h54mn
- Date télé : 18 septembre 2024 22:30
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 4 avril 2018
- Festival : Festival de Berlin 2018
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Résumé : Même après avoir failli mourir dans un accident de la route lors d’une nuit de beuverie avec son ami Dexter, John Callahan n’a pas la moindre intention d’arrêter de boire. Il finit pourtant par suivre une cure de désintoxication, soutenu par sa compagne et un mentor charismatique, et se découvre alors un don inattendu… Il crée des dessins à l’humour noir, satirique et insolent, qui lui vaudront un succès international dès leur publication dans la presse. En dessinant, Callahan découvre une nouvelle manière de voir la vie…
Critique : « T’inquiète pas, il n’ira pas loin à pied ». Ce titre peut sembler d’un goût terriblement indigeste dans le cadre de l’histoire d’un quadriplégique. Ce jugement moral serait sans connaître l’humour très particulier de John Callahan, dont cette phrase est justement issue d’un dessin faisant référence à son état de santé. Toute la difficulté que va rencontrer ce biopic au moment d’être accueilli en France est d’ailleurs là : son personnage y est parfaitement inconnu.
Il est vrai que Gus Van Sant avait déjà fait le même pari avec son film consacré à Harvey Milk, lui aussi méconnu de ce côté-ci de l’Atlantique mais dont l’universalité du combat pour les droits des homosexuels avait permis à son film de bien s’exporter. Les deux thématiques au cœur de son nouveau film sont potentiellement plus universelles encore puisqu’elles viennent du double statut d’handicapé et d’ancien alcoolique de Callahan ainsi que la réception de certains de ses dessins polémiques.
- © Metropolitan FilmExport
Ce qu’il est bon d’avoir en tête à propos de Gus Van Sant, c’est aussi qu’Harvey Milk est antérieur dans sa filmographie et que, depuis, ses réalisations ont subi un terrible déclin qualitatif, ne laissant qu’un lointain souvenir du succès que rencontraient systématiquement ses films plus audacieux lors de la précédente décennie. Son adaptation de l’autobiographie de John Callahan semble ne pas être vouée à briser cette malédiction. Même si Joaquin Phoenix (qui retrouve Van Sant vingt-trois ans après qu’il l’ait révélé dans Prête à tout) illumine cette histoire vraie de son charisme, le scénario souffre d’un développement trop peu soigné pour explorer comme il se doit toutes les facettes de cet homme au demeurant fascinant.
L’action du film commence au début des années 70, au moment de l’accident qui a coûté sa mobilité à Callahan, mais la période n’est pas du tout contextualisée, laissant d’ors et déjà présager le laconisme avec lequel Gus Van Sant a élaboré son scénario. La nonchalance de son écriture est bien plus flagrante encore au propos de son personnage lui-même, tant le parcours de celui-ci restera évanescent de bout en bout. De la même façon que l’on n’apprendra que très peu de choses son passé : son histoire d’amour, qui apparaît pourtant comme le moteur qui lui redonna goût à la vie, n’est évoquée que de façon purement anecdotique, à tel point qu’on en vient à se demander pourquoi Rooney Mara a accepté ce rôle accessoire.
- © Metropolitan FilmExport
À défaut d’en savoir beaucoup plus sur Callahan, il faut en revenir aux sujets plus théoriques du film pour y retrouver un peu du Gus Van Sant que l’on aime. La façon avec laquelle il a placé la question de sexualité difficile dans la reconstruction de cet homme ayant perdu le contrôle de (tous) ses membres inférieurs est une marque que, même s’il a lourdement perdu en inspiration, le réalisateur conserve toujours un peu de l’esprit transgressif qui avait jadis fait sa réputation. Et il apparaît d’ailleurs évident que c’est le fait de partager cet esprit avec Callahan qui l’a conduit à s’intéresser à lui, tant il s’amuse à reproduire les scandales que levaient régulièrement dans une Amérique puritaine ses dessins les plus grinçants.
À l’heure où la liberté d’expression est plus que jamais au cœur des débats aux États-Unis, on comprend aisément le discours contestataire porté par le cinéaste. On regrette alors d’autant plus qu’il n’ait pas daigné offrir à ce biopic une mise en scène plus originale et ait choisi de tout miser sur la présence de Joaquin Phoenix et le cabotinage de Jonah Hill. Le résultat de ce travail impersonnel passera vraisemblablement inaperçu. C’est dommage, John Callahan aurait mérité un film qui sache mieux rendre honneur à cet improbable mélange de cynisme, trivialité et naïveté d’où il sortait son pouvoir de subversion.
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