Le 21 avril 2005
- Scénariste : CONVARD
Entre intrigues de concile et impostures bibliques, la série INRI - second cycle de la saga du Triangle secret - est devenue le chantre littéraire du scepticisme religieux, à la manière d’un certain Da Vinci code. Un parallèle que réfute son scénariste Didier Convard, pour qui l’important est de conserver la foi, mais sans qu’elle s’encombre d’aucun artifice ni decorum. Un sceptique croyant ? Bigre. Voilà qui méritait bien une rencontre.
Un sceptique croyant ? Bigre. Voilà qui méritait bien une rencontre.
Que vous a inspiré la mobilisation populaire autour des obsèques du pape ?
De son vivant Jean-Paul II était déjà une personnalité extrêmement médiatisée. Cet élan universel m’est donc plutôt apparu comme un emballement populaire favorisé par les médias. Le monde est devenu une province, où l’information va vite et peut facilement soulever les masses. Les fidèles présents à Rome étaient-ils vraiment habités par une foi indéboulonnable ? Ou se sont-ils simplement laissés porter par un mouvement digne des moutons de Panurge ? Pour ma part je l’ignore.
Le monde, selon vous, n’a pas vraiment besoin d’un pape...
Au risque de vous surprendre, j’en suis au contraire absolument convaincu ! Selon moi le pape est le dernier rempart humaniste de notre monde moderne. Je ne partageais pas toute la philosophie ni la politique de Jean-Paul II, mais j’avais beaucoup de respect pour lui parce que c’était un humaniste, qui malgré certaines positions d’arrière-garde, possédait une véritable sincérité et une profonde générosité.
Auriez-vous aimé présenter INRI à Jean-Paul II ?
Ça aurait été un grand rêve oui. Je crois que cet homme était suffisamment intelligent pour accepter ce genre de défi. Le triangle secret n’a d’ailleurs jamais essuyé de vraies critiques de la part des autorités religieuses, au contraire de la presse d’extrême droite, qui, elle, s’est parfois montrée vraiment virulente... C’était au moins la preuve que ma démarche était la bonne. (rires)
Parlons de votre démarche : s’agit-il de rédiger un brûlot anticatholique ?
Plus qu’un brûlot anticatholique j’ai surtout voulu écrire un thriller se déroulant sur deux mille ans d’histoire, mais un thriller qui pousserait les gens à s’interroger sur certains mythes religieux. Alors que l’humanité se trouve dans son XXIe siècle d’évolution, nous conservons ce réflexe de ne pouvoir nous montrer bons ou généreux qu’en application de certains dogmes, issus de mythes dont nous ne cherchons pas à éprouver la véracité. Je suis intimement persuadé qu’un homme n’a pas besoin de mythes pour se montrer humain. Voilà ma conviction première. Et le mythe le plus fort que j’ai trouvé pour l’illustrer c’est la figure du Christ. Un mythe que je connais bien puisque j’ai pratiqué le christianisme durant de longues années.
Comment en êtes-vous arrivé à douter ?
Grâce à une rencontre, celle que j’ai faite avec un homme qui s’est révélé être pour moi une sorte d’initiateur en me poussant à me poser certaines questions. Je me suis alors intéressé de très près aux dogmes religieux. Et le paradoxe c’est que c’est en pénétrant au plus profond des textes que j’ai commencé à douter. Depuis je suis partisan d’une religion universelle, que partagent tout ceux qui ont foi en une puissance supérieure, qu’ils lui donnent le nom de Dieu, de Hasard ou même qu’ils en fassent une équation mathématique. L’important c’est que cette foi s’affranchisse d’artifices pour être atteinte.
Parlons de la franc-maçonnerie. Comment a-t-elle accueilli Le triangle secret ?
Je suis régulièrement invité par des loges à faire des conférences autour du Triangle, ce qui prouve que les francs-maçons ont bien compris ma démarche. La franc-maçonnerie a su évoluer avec son temps. Elle n’a plus rien à voir avec cette société de notables en gilet et montre à gousset que l’on aimait dépeindre voilà encore quelques décennies. La franc-maçonnerie est de nos jours une école de réflexion philosophique parfaitement ancrée dans son temps. Et qui admet que l’on puisse parler d’elle dans une bande dessinée.
Même si vous l’égratignez parfois tout autant que le Vatican ?
Je ne voulais pas mettre en scène le combat de la gentille franc-maçonnerie contre le méchant Vatican. La franc-maçonnerie, comme toute les sociétés humaines, est composée d’hommes bien mais comporte aussi ses salopards. Il y a des intégristes de la franc-maçonnerie comme il y en a du christianisme. Heureusement ils sont moins dangereux. On n’a jamais vu la franc-maçonnerie lever une armée pour une croisade...
INRI connaîtra-t-il une suite ?
Non. Le quatrième INRI mettra un point final au Triangle secret. Je sortirai toutefois un album satellite de 54 pages, intitulé Hertz, où je raconterai ce qui a poussé ce personnage central de la série vers la franc-maçonnerie et la quête effrénée du testament du fou. Falque et Juillard assureront le dessin de cet album, qui sera une réflexion sur l’héroïsme. Hertz, à peine âgé de douze ans, y côtoiera l’horreur des camps de concentration, et en particulier celle du camp du Struthof, en Alsace. Puis je m’attaquerai à un nouveau projet, toujours avec Falque. Ce sera un thriller politique, où je m’attaquerai à une nouvelle pyramide, qui elle n’aura plus rien à voir avec l’ésotérisme.
On ne risquera donc plus de vous comparer au Dan Brown de la BD...
... Comme l’ont déjà fait de nombreux journalistes, qui ont effectivement installé un parallèle entre Le triangle secret et Da Vinci code, ce qui est parfois agaçant, puisque la formule employée pour présenter INRI - "La BD a trouvé son Da Vinci code" - implique que cette dernière soit un média mineur. Franchement je préférerais qu’on dise qu’avec le Da Vinci code le roman a trouvé son Triangle secret ! D’autant que le Triangle, qui à l’époque était prévu pour être un roman, a été écrit bien avant ! Mais bon : ce parallèle fait entre nos deux œuvres n’est qu’un sésame pour populariser la BD auprès de ceux qui ne la connaissent pas. On en revient à nouveau à la globalisation de la pensée par l’entremise des médias, où le monde se dirige comme un seul homme vers le sillon qu’on lui trace. Mais si ça peut amener les gens vers la lecture, qui s’en plaindra ?
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