Deux hommes en fuite - Joseph Losey - critique

Critique : Deux hommes en fuite est l’un des films les plus méconnus de Joseph Losey qui voyait, à la fin des années 60, sa carrière traverser un certain creux, alors qu’elle sera relancée par la Palme d’Or qu’il remporta, l’année suivante, pour Le Messager. Le (re)découvrir aujourd’hui, c’est prendre pleinement conscience du goût de Losey pour les scénarios très éthérés, qui trouve ici son paroxysme. Avec son postulat consistant à suivre la fuite de deux évadés qui vont apprendre à s’apprécier, le film a tout pour s’apparenter à une redite de l’excellent La Chaîne ; mais, sans le discours antiraciste du chef-d’œuvre de Stanley Kramer, ni le moindre développement des deux personnages, cette course-poursuite a tout du film d’action dérisoire.

© 1970 CINEMA CENTER FILMS AND CINECREST FILMS INC. Tous droits réservés.

Cependant, Losey et son scénariste (Robert Shaw, également acteur principal) se sont amusés à aller plus loin encore dans cette écriture abstraite et c’est ce qu’incarne parfaitement le titre original : « Des silhouettes dans un paysage ». En prenant soin de ne définir ni le background des deux bagnards, ni l’identité de leurs poursuivants, ni même le pays où a lieu le récit, les auteurs donnent à cette fuite une dimension allégorique bien plus intéressante que l’action elle-même. En effet, celle-ci semble presque mineure, au point de rendre futiles les quelques montées de suspense. Inéluctablement, ce n’est que le fait de les voir comme des symboles de la quête de liberté qui permet de se laisser prendre au jeu et de suivre l’aventure de ces deux individus auxquels on finit malgré tout par s’attacher.

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Robert Shaw (dans l’un des seuls rôles principaux de sa carrière) et Malcolm McDowell (qui venait d’être découvert grâce à If et un an avant Orange mécanique) ne sont évidemment pas pour rien dans l’adhésion que le spectateur éprouve pour leurs personnages pourtant antipathiques. Plus encore que le charme viril qu’apportent ces deux interprètes, ce qui rend Deux hommes en fuite agréable à regarder, au moins dans un premier temps, c’est assurément la beauté des vastes paysages de montagne. Et pourtant, malgré tous ces efforts formels, le manque d’enjeux et de réalisme dans l’antagonisme qu’incarne l’hélicoptère noir pèse fatalement sur le plaisir de suivre cette escapade. La quête de liberté est présente –peut-être même trop dans l’obsession que représente l’accès à une montagne–, mais elle est finalement un élément récurrent à toute grande aventure se voulant épique. Il est donc dommage d’en avoir fait l’unique argument d’un film qui s’en retrouve réduit à une course-poursuite sans suspense.