Le 5 janvier 2019
- Réalisateur : Ludovic Vieuille
- Distributeur : Girelle Production
- Durée : Oh59min
- Date de sortie : 23 janvier 2019
Son documentaire est formidable. A travers l’expérience de son fils, Ludovic Vieuille témoigne des insuffisances du système éducatif français, dont la réforme devient urgente. Rencontre.
aVoir-aLire : D’où vient l’idée de ce film ?
La scolarité d’Angelo a toujours été compliquée. Dès l’école maternelle, il était convoqué à cause de son agitation, même s’il avait l’envie d’apprendre. D’année en année, c’est devenu plus difficile et il y avait un effet miroir avec ma propre scolarité, qui a été problématique. Je n’avais pas envie que ça se reproduise. Du coup, j’ai commencé à lire des bouquins qui parlaient des difficultés scolaires. Je me suis intéressé à d’autres façons d’apprendre, comme dans les écoles Montessori.
Ensuite, un copain m’a prêté un appareil photo 5D et je me suis dit que j’allais me filmer avec mon fils, pendant les devoirs. Mais je ne savais pas si j’allais me supporter de me voir sur un écran. Et puis, je me suis aperçu que le dispositif fonctionnait, qu’il était possible de filmer des séances de travail sans qu’on se mette tous les deux en scène. J’ai commencé quand Angelo était en CM1. Au début, je n’ai pas tourné très souvent, parce que je disposais d’un matériel que me prêtait la production, avant qu’elle ne trouve un peu de financement.
J’ai filmé entre le CM1 et la sixième. Quand mon fils était en cinquième, j’ai appelé ma monteuse qui m’a encouragé à continuer, ce que j’ai fait au dernier trimestre.
aVoir-aLire : Ce projet fait aussi écho au livre de Daniel Pennac, "Chagrin d’école".
C’est ce livre qui m’a fait prendre conscience que je pouvais raconter cette expérience. On est là à devoir ingurgiter un savoir dont on ignore le sens. Et ce qui n’a pas de sens, c’est très difficile à apprendre et ça crée de la douleur.
Pennac le raconte très bien. Il a fréquenté une quantité d’établissements, il s’est fait renvoyer, il a eu plein de soucis. Et il s’en est sorti. C’est quelqu’un qui s’est accompli, donc ça donne beaucoup d’espoir. Le problème, c’est que le système scolaire fonctionne sur un modèle d’élève fantasmé, avec des images de réussites sociales. Et ça ne prend pas sur tout le monde. Quand on est un enfant d’une famille favorisée, on peut s’offrir un autre cadre. Mais ceux qui viennent d’un milieu plus pauvre sont vraiment condamnés.
© GIRELLE PRODUCTION / BIP TV / 2016
aVoir-aLire : De ce point de vue, votre œuvre montre aussi que l’école française s’inscrit dans un système néo-libéral, fondé sur la compétition.
Je n’en ai pris conscience qu’après. Vraiment, j’ai construit ce film de manière empirique. Je le faisais pour moi, il fallait que ça sorte. Et j’étais très ému pendant le montage. Mais oui, l’école est au service de cette société du travail, qui est celle de la compétition. Par exemple, les choix qui sont possibles aux élèves sont déterminés par les notes. Et comme on les oblige de plus en plus tôt à se spécialiser, alors
que beaucoup de jeunes ne savent pas ce qu’ils veulent faire, ça pose problème. Moi-même, pendant longtemps, je ne savais pas non plus. J’ai obtenu un bac B. Après je me suis inscrit en fac de lettres. Pour m’offrir une vraie année de glande, pour réfléchir aussi, pour oser me dire : tu n’as qu’à faire des études artistiques. Et puis, j’ai fait les Beaux-Arts, je voulais dessiner.
aVoir-aLire : Vous avez rencontré beaucoup d’enseignants dans le cadre des projections ?
Oui, pas mal. On a plusieurs fois montré le documentaire à des enseignants en formation à l’ESPE. Ce sont des très bons moments. Je ne voulais pas que le film s’en prenne aux éducateurs, qui ne sont globalement pas mal intentionnés. Il y a eu des débats très riches. Certains profs ne se rendaient pas compte que c’était si difficile pour certains élèves, qui étaient dans la même situation qu’Angelo.
aVoir-aLire : Est-ce que, selon vous, l’école a beaucoup évolué ?
Ca n’a pas tellement bougé depuis les années 30. J’avais appris qu’à cette période Jean Zay avait initié des expériences d’enseignement où les matières étaient plus en contact avec le monde réel. Mais quand on voit ce qui se passe en France depuis les pays du nord de l’Europe, on se dit que les profs font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont.
© GIRELLE PRODUCTION / BIP TV / 2016
aVoir-aLire : Que devient Angelo ?
Il est au lycée en seconde ST2A (sciences et technologies du design et des arts). Il a encore plein de doutes et ça se passe moyennement. On est toujours derrière lui pour le motiver. Je pense que ça va être compliqué tant qu’il ne se sera pas complètement trouvé. Mais il n’était pas question de lui imposer une spécialisation qui ne vienne pas de son propre désir. Il faut repérer ce qu’on aime et ce qu’on a envie de faire. Il avance. J’ai beaucoup souffert quand il était au collège : on me disait qu’il n’aurait jamais son brevet, on le dirigeait. Ce qui fait qu’à un moment donné on l’a sorti du système. Et puis, il a été scolarisé dans un établissement du 18ème arrondissement de Paris où il a travaillé avec une équipe motivée, bienveillante. Et il a eu son brevet facilement. Avant cela, il déprimait. Cela montre bien que les individus épanouis deviennent bons dans leur travail.
Propos recueillis le 15 décembre 2018
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