California dreamin’
Le 22 août 2015
Sur fond de rébellion générationnelle, le documentaire signé Marten Persiel se penche sur les balbutiements de la subculture skate en RDA. L’immersion fonctionne : le bitume parle.
- Réalisateur : Marten Persiel
- Acteurs : Kai Hillebrand, Zaneta Fuchsova, David Nathan, Anneke Schwabe
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h30mn
- Titre original : This Ain't California
- Date de sortie : 26 août 2015
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– Année de production : 2012
Sur fond de rébellion générationnelle, le documentaire signé Marten Persiel se penche sur les balbutiements de la subculture skate en RDA. L’immersion fonctionne : le bitume parle et laisse souffler un vent de révolte exubérant.
L’argument : Dans ce film nous suivons 3 gamins qui découvrent l’amour du skateboard sur les trottoirs fissurés de la RDA. Une folie, un sport inacceptable, c’est surement ce qui le rendait si excitant. Ce conte de fées à l’accent underground a été créé par ce groupe de jeunes qui ont pu capter leurs vies sur Super 8, nous permettant ainsi de découvrir la vie en RDA comme jamais auparavant. Cette histoire commence dès leur enfance dans les années 70, avant de basculer dans les années 80 et leur adolescence agitée, jusqu’à cet automne 1989. Ils ont alors 20 ans et tout ce qu’ils ont connu est sur le point de changer à jamais.
Notre avis : Les pionniers californiens du skateboard moderne, Stacy Peralta les connaît bien. Membre originel de la célèbre bande des « Zéphyr-Boys », il s’était consacré à un documentaire sur leur ascension au cours des années 70 : Dogtown and Z-Boys (2001). Une trajectoire popularisée quelques années plus tard par Catherine Hardwicke (Thirteen, Twilight, chapitre 1 : Fascination) dans sa fiction Les Seigneurs de Dogtown (2005). Tout ça pour en arriver au fait que la culture skate se rependra de manière fulgurante hors des frontières américaines dès le milieu des années 70. Avec Derrière le mur, la Californie, le réalisateur allemand Marten Persiel (lui-même skateur à ses heures perdues) va s’attacher à nous faire revivre les balbutiements de cette subculture côté allemand, en RDA plus exactement, dans un contexte de fin de Guerre Froide. L’affection que le cinéaste porte à la planche à roulette va transpirer jusque dans les moindres cadrages de cette réalisation. Son docu-fiction, entremêlé de témoignages, images super 8, documents d’archives audiovisuelles, scènes fictives et fragments d’animation, s’agence autour du parcours rétrospectif de trois gamins unis par la passion commune du skateboard.
Il se focalise en particuliers sur le destin mouvementé et tragique de Denis, le plus indocile des trois, surnommé "Panik". Durant sa jeunesse, ce dernier est poussé par un père autoritaire à s’impliquer sans relâche dans la natation. Saturé par les méthodes drastiques employées afin de perfectionner ses résultats (le culte de la performance, typique de la tradition soviétique de l’époque), la soif de liberté du jeune garçon va le pousser à envoyer valdinguer toutes les règles. Il prend la planche à roulettes comme une sorte d’exutoire et un moyen d’affirmer son refus de l’autorité. "Panik" et ses potes arpentent leur paradis de béton tels des électrons libres anarchiques au sein d’une société renfermée. Car durant les années 80, en RDA, opter à faire crisser le bitume ébréché sur un skateboard tranche largement avec les mœurs d’un microcosme socialiste, où il était vu d’un très mauvais œil d’afficher un goût prononcé envers les nouvelles modes et exubérances occidentales. Même s’il n’aborde le sujet que succinctement, la rébellion générationnelle opérée à cette période semblera se désagréger avec la chute du mur.
Soutenue par une BO d’enfer (du punk rock à l’électro pop eighties), la replongée parfaitement représentative dans le Berlin alors scindé en deux des années 80, tire profit d’un charme nostalgique indéniable. Le petit bémol à émettre va concerner les quelques parties fictives montées de toute pièce qui feront perdre au film un petit bout de sa spontanéité. Le réalisateur camoufle et manipule en effet à sa guise certaines séquences comme des images d’archives dans le seul but d’optimiser son schéma narratif. De fait, le personnage de "Panik", que beaucoup pourrait croire authentique, est incarné à l’écran par l’acteur Kai Hillebrand. Dans une interview, Marten Persiel déclare concevoir le personnage comme tel : "il n’est pas du tout inventé. Il est vrai à 100%. Tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait, tout ce qu’il regarde, tout a existé. Mais en fait il représente 3 personnes. Son enfance en tant que sportif formé pour les Jeux Olympiques est celle d’un skateur que j’ai interviewé, qui parle dans le film mais pas en disant « Je » mais « Lui ». je lui demandais ce qu’il pensait de « Panik » pour parler de lui. Celui qui s’est teint les cheveux en blond quand il était jeune, qui est devenu fou, et qui est devenu un très bon skateur, c’est un autre. Celui qui est perdu et qui devient un soldat c’est encore un autre. Tout est vrai, rien n’est inventé, mais c’est construit."
Au final on tient avec Derrière le mur, la Californie un documentaire de culture underground très réussi dont la plus belle ressource, via sa perspective historique, est de ne pas s’adresser qu’aux vétérans de la discipline. C’est avec une intarissable fascination que l’on découvre une fraction de la jeunesse allemande de RDA hisser tout haut l’étendard de la rébellion autour d’une passion commune.
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