Der Stolz der Firma (L’orgueil de la firme) - la critique

Un brillant numéro comique de Lubitsch acteur et un document précieux sur le monde de la confection berlinoise d’avant la Première Guerre Mondiale, élégamment mis en scène par Carl Wilhelm.

L’argument : Siegmund Lachmann est un apprenti bien maladroit et il ne tarde pas à être mis à la porte du magasin où il travaille. Renonçant au suicide par noyade, il se décide à tenter sa chance à Berlin. Là-bas son bagout le fait rapidement engager dans un salon de mode élégant où il joue les bourreaux des coeurs. Après bien des péripéties il fera fortune dans le monde de la confection et finira par épouser la fille de son patron.

Notre avis : Dans Der Stolz der Firma, sorti le 30 juillet 1914, Lubitsch, alors engagé dans la troupe prestigieuse de Max Reinhardt, reprend, toujours pour la PAGU, et toujours sous la direction de Carl Wilhelm, la figure comique de commis juif travaillant dans le monde de la confection berlinoise qui lui avait valu le succès dans Die Firma heiratet quelques mois plus tôt, le Moritz Abramowsky du film précédent devenant ici le bien nommé Siegmund Lachmann .
Divers quartiers du Berlin de 1914 resurgissent au gré d’extérieurs admirablement photographiés, d’autant que la copie conservée est fort belle, et l’univers de la confection est décrit avec un souci du détail qui fait de Der Stolz der Firma un document historique de première importance. Mais l’intérêt du film ne se limite pas à son côté documentaire.
Car la comédie est drôle, enlevée et souvent d’une crudité rafraichissante, tempérée par une sympathique bonhommie. La mise en scène de Carl Wilhelm est élégante et inventive : défilés de mode joliment chorégraphiés (et à caractère ouvertement publicitaire, un carton nous informant que « Les robes sont de ... ») , habile utilisation d’un miroir dans une cabine d’essayage donnant aux personnages et au spectateur le don d’ubiquité.

Tous les rôles secondaires sont savoureusement caractérisés par d’excellents acteurs à la solide expérience théâtrale. Mais c’est évidemment Lubitsch qui se taille la part du lion, n’hésitant pas même à se dédoubler lors d’une amusante confrontation entre le passé (l’apprenti) et le présent (le jeune patron). Il fait de ce Siegmund (Sally ou Moritz dans d’autres films) pas vraiment favorisé par le sort au départ (il est à la fois laid et pauvre) une figure irrésistible de drôlerie qui emporte l’adhésion du spectateur et des autres personnages par son charme, sa débrouillardise et son art de retomber sur ses pieds en toutes circonstances.
Injustement sous-estimé, même par des admirateurs de Lubitsch trop prompts à minimiser sa carrière d’acteur au profit de celle du metteur en scène (mais son jeu détermine ici l’organisation de l’espace), Der Stolz der Firma est un réjouissant exemple du riche cinéma allemand des années 10 à son meilleur.