Le 14 février 2020
- Auteur : Pierre Guyotat
- Voir le dossier : Nécrologie
L’auteur de Tombeau pour cinq cent mille soldats s’est éteint à l’âge de 80 ans, le 7 février 2020.
News : Si la notion d’écrivain engagé ne demeure pas qu’une expression, alors Guyotat lui aura donné la force d’une écriture et la réalité d’une attitude, où le risque se conjugue à une certaine idée de la littérature. C’est un traumatisé du conflit algérien qui prend la plume à vingt-sept ans et fait paraître Tombeau pour cinq cent mille soldats, où s’entremêlent la guerre et le sexe, dans un récit halluciné, qui juxtapose le registre réaliste et le foisonnement de l’imagination. Le Seuil refusera le texte, Gallimard l’éditera. L’ouvrage fera beaucoup parler de lui : Michel Foucault le jugera très favorablement, le général Massu en proscrira la lecture dans les casernes françaises en Allemagne. Aucune de ces réactions ne surprend.
La censure s’appliquera dès lors avec une régularité implacable sur un certain nombre de récits écrits par Guyotat : l’exemple le plus célèbre est l’interdiction par le ministère de l’Intérieur d’Éden, Éden, Éden, préfacé par Micheil Leiris, Roland Barthes et Philippe Sollers. Une pétition de soutien signée par des intellectuels, des artistes et des hommes politiques agite alors le monde médiatique, Georges Pompidou lui-même exprime son point de vue en faveur du livre. Peine perdue, l’interdiction n’est pas levée pendant plusieurs années (jusqu’en 1981). La transgression que constitue ce texte s’incarne dans des scènes où toutes les déclinaisons de la radicalité sont évoquées dans un style très sadien, en même temps qu’affleure une foi irréfragrable dans la puissance du langage. Cette intensité esthétique ne se dissocie pas d’un engagement politique qui épouse le contexte même des années 70. Des luttes diverses se mènent sur différents fronts : Guyotat en sera, avec les comités de soldats, avec les immigrés (et particulier Mohammed Laïd Moussa accusé d’homicide volontaire), avec les prostituées de Lyon.
Ses graves problèmes de santé, au début des années 80, lui inspireront un roman autobiographique âpre, Coma, en 2006, couronné par le prix Décembre. Même si le langage n’a pas l’intensité des ouvrages précédents, il s’agit du récit sans concession d’une séquence de vie particulièrement douloureuse. Les derniers textes de Guyotat ont une tonalité plus nettement autobiographique que ses premiers livres, tout en conservant leur densité stylistique : on pense en particulier à Idiotie, qui, dans la lignée de Coma, Formation (2007) ou Arrière Fond (2010), relate une serie de transformations à partir de fragments existentiels (en l’occurrence, ceux qui conduisent un jeune homme de sa dix-huitième à sa vingt-deuxième année). Le récit sera récompensé du prix Médicis en 2018. La même année, l’écrivain avait reçoit le prix Fémina pour l’ensemble de son œuvre. Pierre Guyotat avait 80 ans.
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