Souvenirs de Savoie
Le 9 mars 2012
Splendeurs et misères de l’industrie savoyarde. Un documentaire digne sur la destruction de la culture ouvrière.
- Réalisateur : Gilles Perret
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : C-P Productions
- Durée : 1h19mn
- Date de sortie : 29 février 2012
- Plus d'informations : Accueil De mémoires d’ouvriers
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L’argument : Ce film commence par une histoire locale et finit par raconter la grande Histoire sociale française. De la naissance de l’électrométallurgie, en passant par les grands travaux des Alpes et la mutation de l’industrie, jusqu’aux vagues de désindustrialisation, c’est l’histoire ouvrière en général que racontent les hommes rencontrés par Gilles Perret. Dignes et lucides, ils se souviennent de ce qu’ils furent et témoignent de ce qu’ils sont devenus dans la mondialisation.
Notre avis : C’est dans une période de campagne électorale des présidentielles 2012 que le film de Gilles Perret sort sur les écrans. Loin des passages obligés de la rhétorique politicienne, le documentariste, lui-même fils d’ouvrier, s’intéresse de près aux salariés de l’industrie alors que les usines ferment et que les plans sociaux fragilisent une couche de la population exsangue. Enfant du pays, le cinéaste effectue un retour aux sources, un peu à la manière de Michael Moore revenant dans son Flint natal avec Roger et moi ; mais là s’arrête la comparaison : nulle trace d’humour sarcastique et de satire pamphlétaire dans ce documentaire au ton plus retenu, préférant donner la parole à des hommes et des femmes aux témoignages simples, sincères et instructifs, sans langue de bois ni émotion forcée. Le film s’ouvre sur un fait divers politique que seule la mémoire syndicale et historienne semble retenir : le massacre de Cluses (Haute-Savoie) : en 1904, les quatre fils d’un grand patron tirent sur des grévistes... C’est le point de départ de l’évocation de la montée des solidarités ouvrières, dans une région qui connaîtra une industrialisation croissante : industrie horlogère, métallurgie, aluminium, construction de barrages hydrauliques, puis des stations de ski... Ce dernier chantier marque l’apogée mais aussi le déclin d’un secteur d’activité qui sera balayé par une économie de services, dans un contexte croissant de délocalisations à partir des années 80.
- Copyright C-P Productions
Le film excelle à montrer l’ascension, la chute et l’agonie d’une civilisation industrielle qui a intégré des générations d’ouvriers dont certains provenaient de l’immigration, et Gilles Perret a su trouver les bons témoins (ancien maçon, prêtre ouvrier...) des évolutions qu’il souhaite mettre en exergue : chacun apporte alors une pièce à l’édifice de la mémoire, la parole la plus singulière étant celle de cet ancien ouvrier-paysan, à la fois agriculteur et salarié d’usine à temps partiel, qui révèle un syncrétisme socioprofessionnel peu étudié jusqu’à présent. En donnant la parole à d’actuels ouvriers chez Rio Tinto Alcan de la Bâthie, le documentaire montre le vertige de la période contemporaine, marquée par une individualisation des rapports sociaux et un éloignement géographique des véritables propriétaires du groupe. Il faut aussi souligner le choix de judicieuses photos d’archives et d’extraits d’actualités d’époque, qui complètent le dispositif du réalisateur. Sans doute manque-t-il un contrechamp argumentatif, la parole patronale étant absente du film, mais ce serait faire un procès d’intention à Gilles Perret qui assume la subjectivité de son regard. Certains regretteront par ailleurs une facture un peu télévisuelle, qui atténue par moments la portée du documentaire militant, loin de la force corrosive de Tous au Larzac. Cette réserve n’empêche pas De mémoires d’ouvriers de constituer un document indispensable, en cohérence avec les deux premières œuvres du cinéaste : Ma mondialisation (2006) et Walter, retour en résistance (2009).
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