Le 11 novembre 2018
Cet inédit de Welles est une œuvre testamentaire étrange et décalée, qui fourmille de beautés visuelles et comporte tous les attributs du film maudit.
- Réalisateur : Orson Welles
- Acteurs : John Huston, Lilli Palmer, Susan Strasberg, Peter Bogdanovich, Robert Random, Oja Kodar
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Français, Iranien
- Distributeur : Netflix
- Durée : 2h02mn
- Date télé : 2 novembre 2018 00:00
- Chaîne : NETFLIX
- Titre original : The Other Side of the Wind
- Festival : Festival de Venise 2018
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– Années de production : 1970-1976
Résumé : Un réalisateur mythique tente de terminer un projet avant de mourir et songe à ce qu’il laissera derrière lui.
Notre avis : Ce film maudit inachevé a toujours tenu lieu d’Arlésienne dans la filmographie d’Orson Welles, à l’instar de L’Homme qui tua Don Quichotte pour Terry Gilliam. Son tournage débuté en 1970 se poursuivit jusqu’en 1976, avec des interruptions et des déboires financiers qui ne permirent pas d’en terminer le montage. Le coproducteur iranien bloqua en outre les négatifs après la révolution islamique. Face aux différends liés aux problèmes de droits d’auteur, Peter Bogdanovich ne put monter le film conformément aux instructions de Welles, et le flambeau fut repris par trois producteurs qui confièrent ce travail gigantesque au monteur Bob Murawski, avec la bénédiction financière de Netflix… Que vaut donc l’œuvre finale, dont nous n’avons pas l’assurance que le montage final aurait été cautionné par Welles lui-même ? Précisons d’emblée que le métrage n’est ni un chef-d’œuvre de la trempe de Citizen Kane, ni un objet déroutant et manqué comme le fut l’improbable Don Quichotte, restauré en 1992. The Other Side of the Wind peut être assimilé aux « grands films malades » du maître, comme La Dame de Shanghai, ce qui signifie tout de même du très grand cinéma à l’échelle de la production courante.
- Copyright Netflix
Deux films sont en fait emboîtés en un seul, et le scénario dénote une forte connotation autobiographique. Au premier niveau narratif, nous apprenons qu’un cinéaste vieillissant (John Huston) vient de mourir, et un faux documentaire retrace les dernières heures de son existence. Même si Welles s’est dit inspiré de la personnalité de l’écrivain Ernest Hemingway, on est frappé par les similitudes avec lui-même. Cet Américain de retour au pays après un exil européen a le même statut que le cinéaste en 1970. Ses films mythiques relèvent déjà de l’histoire du cinéma, et il peine à trouver des financements pour de nouveaux projets. En dépit de la présence au générique de réalisateurs cotés dans les années 70 (Bogdanovich, Chabrol, Hopper), Welles se montre ironique sur les évolutions du cinéma incarnant la modernité à cette période. C’est là que le « film dans le film », projeté aux invités de Jake Hannaford, prend tout son sens : on y découvre un pastiche de Zabriskie Point d’Antonioni, que l’auteur de La Splendeur des Amberson ne semble guère porter dans son cœur. Mais on se doute que Welles ne joue pas les vieux aigris même s’il déplore de ne plus pouvoir faire entendre sa voix devenue inaudible face au nouveau cinéma d’auteur international.
- Copyright Netflix
Et ce deuxième pilier narratif comporte d’ailleurs les plus belles séquences du film, à savoir deux scènes érotiques d’une audace visuelle presque aussi vertigineuse que le final de La Dame de Shanghai. On trouvera d’ailleurs d’autres correspondances avec des œuvres antérieures de Welles, dont le reportage autour de Hannaford qui fait écho aux enquêtes sur Kane et Monsieur Arkadin. Et le montage de Bob Murawski donne au récit la dimension onirique et fantasmatique qui était celle d’Une histoire immortelle ou Macbeth. The Other Side of the Wind permet aussi de se délecter d’un casting hétéroclite où l’on croisera Oja Kodar, épouse et coscénariste du cinéaste, les vétérans Edmond O’Brien et Mercedes McCambridge, les excellentes Lilli Palmer et Susan Strasberg, ou le joli Robert Random. On regrettera toutefois certains dialogues abscons, et des passages foutraques qui peuvent laisser penser qu’on est face au brouillon d’un film culte qui ne verra jamais le jour. Au final, cette perle rare ne peut que fasciner le cinéphile, et l’on déplorera qu’elle soit cantonnée à la diffusion sur une plate-forme de streaming, loin des grands écrans que méritait sa restauration.
– Diffusion sur Netflix à partir du 02/11/2018
- Copyright Netflix
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