« I don’t want to die ! »
Le 11 novembre 2018
Un polar sublime d’Orson Welles, bel objet onirique et dernier film marquant de la star Rita Hayworth.
- Réalisateur : Orson Welles
- Acteurs : Orson Welles, Rita Hayworth, Everett Sloane, Glenn Anders, Ted de Corsia
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Columbia
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h28mn
- Box-office : 1 537 204 entrées France
- Titre original : The Lady from Shanghai
- Date de sortie : 24 décembre 1947
- Voir le dossier : Coffrets Ultra Collectors Carlotta
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Résumé : Michael, marin irlandais en quête d’un emploi, sauve d’une agression une jeune femme, Elsa. Le mari d’Elsa, avocat célèbre, offre à Michael d’embarquer sur son yacht pour une croisière vers San Francisco. Elsa et Michael tombent amoureux et Grisby, l’associé de Bannister, s’aperçoit de cet amour. Il veut disparaître et propose à Michael 5000 dollars pour signer un papier dans lequel il confesse l’avoir tué.
- LA DAME DE SHANGHAI © 1948, RENOUVELÉ 1975 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés.
Critique : Adapté de If I Die Before I Wake, un roman de l’obscur Sherwood King que Welles avouait ne pas avoir lu, La dame de Shanghai est une production de Columbia Pictures montée autour de Rita Hayworth, star de la firme, et par ailleurs épouse de Welles dont elle devait divorcer après le tournage. Le scénario a été adapté par Welles lui-même, conformément à sa vision du cinéma depuis Citizen Kane, et ce en dépit des normes de l’industrie hollywoodienne qui prônait une stricte division des tâches dans la chaîne de production et de réalisation. Le récit est conforme aux standards du film noir de la décennie, à savoir qu’il relate l’histoire d’un homme ordinaire aux prises avec un gang véreux et une femme fatale. Michael O’Hara (Orson Welles) fait la connaissance de la charmante Elsa Bannister (Rita Hayworth), qu’il sauve peu après d’une tentative d’agression. Celle-ci est l’épouse d’Arthur Bannister (Everett Sloane), un riche avocat corrompu, avec lequel elle a séjourné à Shanghai. Elsa fait embaucher Michael sur le yacht de Bannister. O’Hara devient très vite amoureux de la jeune femme, sous le regard indifférent de l’avocat. À l’occasion d’une escale, George Grisby (Glenn Anders), associé de Bannister, propose à Michael un étrange marché... La suite du synopsis est presque aussi complexe que celle du Grand sommeil de Howard Hawks, au grand dam de Harry Cohn, le producteur, qui flaira, avec raison, l’échec commercial du film.
- LA DAME DE SHANGHAI © 1948, RENOUVELÉ 1975 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés.
Mais l’essentiel de La dame de Shanghai est ailleurs. Sous l’apparence d’un polar doublé de drame sentimental, l’œuvre semble un songe onirique, éclairé par la belle photographie de Charles Lawton Jr. et Rudolph Maté, et prétexte à des expérimentations techniques et esthétiques. On a surtout en mémoire la scène finale se déroulant dans une salle de théâtre de Chinatown, à San Francisco. Une fusillade s’y déroule, ce qui occasionne des plans où s’effondrent à plusieurs reprises des images de personnages avec bris de glace, jusqu’à la mort réelle de certains des protagonistes. Cette virtuosité plastique était déjà en filigrane dans des séquences antérieures d’un baroque assumé, à l’instar de celle du baiser dans un musée océanographique ou du plongeon d’Elsa dans la mer des Antilles. Le mystère qui entoure les séquences hispaniques anticipent l’univers de La soif du mal, que Welles tournera douze ans plus tard. Le réalisateur semble aussi s’amuser avec les métaphores, Bannister et sa bande pouvant symboliser l’arrogance et la cupidité des producteurs de Hollywood. La dame de Shanghai est enfin un film emblématique du cinéma de la démystification puisque Welles a remodelé l’héroïne de Gilda. D’une rousse pulpeuse il fit une blonde vénéneuse et distante, loin de l’image explicitement sensuelle de l’actrice qui faisait fantasmer les G.I. pendant la Seconde Guerre mondiale. Hayworth n’en trouva pas moins un rôle essentiel dans sa filmographie et offrit sans doute sa meilleure composition dramatique. La suite de sa carrière sera pourtant marquée par un déclin inexorable, sa trajectoire étant similaire à celle de Martine Carol après Lola Montès.
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