Avec toujours autant d’élégance que de subtilité, Anne Bragance revisite les désordres de l’adultère pour nous offrir au final un élégant triptyque amoureux.

Un mari, sa femme, sa maîtresse... Un trio aussi infernal que banal en matière de fiction. Autant dire que le revisiter relève de la gageure pour éviter les poncifs qui attendent l’auteur au moindre tournant de la narration. A vrai dire, seule la maîtrise de la langue permet de revivifier cette histoire immémoriale d’amour adultérin et en inscrire une nouvelle version dans la mémoire de ses lecteurs avec un minimum de temporalité. Avec son écriture fine et exquise, Anne Bragance s’est attelée à l’épreuve pour nous offrir au final un élégant triptyque amoureux.
C’est en effet un "roman choral" orchestré autour de trois narrateurs, l’homme, la femme et la maîtresse qui prennent tour à tour la parole pour raconter cette liaison insensée, amorcée vingt ans auparavant lors d’un étrange jeu de séduction achevé sur une nuit d’amour peu enthousiasmante. La cinquantaine venue et la détresse d’un corps d’ancien sportif vieilli, l’homme revoit le temps d’un reportage l’image furtive de cette danseuse en rouge qui l’avait ensorcelé dès le premier regard. Il entreprend de la retrouver. La relation s’engage, constamment canalisée par la danseuse afin d’éviter toute emprise amoureuse tandis que l’épouse, délaissée, sait et observe son vieux joueur de tennis réduit à se faire promener en fond de cour.
Derrière l’âpreté des coups, c’est la peur face à l’amour qui tisse en filigrane cette curieuse relation à trois autour de laquelle s’enchevêtrent avec équilibre et subtilité les monologues imaginés par Anne Bragance jusqu’à l’épilogue forcément dramatique.