Forêt noire
Le 20 mars 2020
La descente aux enfers d’un jeune Irlandais qui devient peu à peu le monstre que l’on voyait en lui... confus et inquiétant.
- Auteur : Edna O’Brien
- Editeur : Fayard
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Anglaise
L'a lu
Veut le lire
Critique : C’est l’histoire d’un fait divers. L’un de ceux qui font frissonner mais dont on ne peut s’empêcher de lire le récit sordide dans les journaux. La cavale meurtrière d’un homme qui devient pour toute une région l’incarnation du mal, une violence qui, à force d’avoir été étouffée, ravage tout sur son passage.
Cette fois encore, Edna O’Brien ancre profondément son récit dans son pays natal, l’Irlande. Tourbières, forêts profondes, cabane oubliée où pourrit une carcasse en décomposition, les lieux prêtent à l’histoire son humidité pesante, son essence sombre et impénetrable. C’est dans ces paysages-là que Michen, enfant, se recréait un monde à lui, loin des regards hostiles des gens du village. C’est là qu’à la mort de sa mère, il se réfugiait au creux des arbres, dans une forêt à la fois maternelle et dévorante. Envoyé en maison de redressement pour avoir volé un fusil et tenté "de faire peur à quelqu’un", instable, en manque d’amour, il devient peu à peu le monstre que les autres voyaient en lui. Lorsqu’ enfin adulte il revient au village, c’est pour se dresser contre ceux qui l’ont blessé, et commencer à son tour son œuvre de destruction.
Empreint d’une froideur sordide, Dans la forêt déroute dès les premières pages.
La personnalité et le monde de Michen restent impénetrables. On ne peut qu’assister à sa descente aux enfers, entre brimades, solitude et délires, jusqu’à sa perte de tout contact avec la réalité. Une confusion accentuée par la narration qui passe d’un personnage à l’autre, brèves incursions chez chaque protagoniste de l’histoire. Ces multiples points de vue renforcent l’aspect communautaire de cette tragédie qui semble engendrée par le microcosme du village. Chacun, jusqu’au voisin le plus éloigné, a sa vision des choses et, si petite soit-elle, sa part de responsabilité dans l’enchaînement inéluctable des événements.
En cela Edna O’Brien démontre une fois de plus les ravages causés par une société rurale irlandaise ultra-conservatrice sur ceux qui ne correspondent pas exactement à la norme. Le regard des autres, les rumeurs, les principes castrateurs d’une éducation "à la dure" sont finalement les véritables déclencheurs de la haine de Michen et de sa folie meurtière.
Malheureusement ce récit polyphonique laisse aussi un sentiment d’éparpillement qui empêche de s’impliquer vraiment dans l’histoire.
Le sort des victimes tout comme le cheminement de pensée et les émotions du tueur nous restent étrangers, et c’est plutôt par des analogies avec la nature environnante, la description méticuleuse des paysages et des mentalités qu’Edna O’Brien nous fait par moments pénétrer dans les méandres de son récit. Des barrières dressées pour se protéger, se mettre à distance du fait divers, comme si c’était la seule manière de le rendre supportable.
Edna O’Brien, Dans la forêt (In the forest, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat), Fayard, 2003, 300 pages, 20 €
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.