Notre avis : En 1871, c’est dans un pays à bout de souffle, après sa défaite contre l’Empire allemand, que naît et surgit la Commune de Paris. Le Second Empire est moribond : les troupes prussiennes encore aux portes de sa capitale, une simple querelle d’autorité suffira à allumer le feu aux poudres d’une révolte larvée. Après le long siège prussien, le peuple parisien a faim et soif de liberté. Le 18 mars de cette même année, le régime révolutionnaire est institué. Occasion de nombreuses expériences politiques : socialistes, communistes ou anarchistes, Paris s’enflamme à la lueur de nouvelles espérances. Pour appliquer son idéal de justice sociale, l’organisation se centralise autour d’un Comité de Salut public, la Garde nationale devenant son bras armé.
Nicolas Bellec appartient au 105e régiment de celle-ci. Héros de notre épopée, avec Caroline sa fiancée. Ambulancière de métier, elle tente, comme tant d’autres, d’absorber le flux de blessés qui ne se tarit jamais sous les tirs des canons versaillais. Le gouvernement officiel réfugié dans les ors du palais royal canarde sans répit le peuple des insurgés.
Dans ce Paris révolté, les espoirs les plus fous peuvent se libérer, mais les instincts les plus vils se déchaîner. La photographie n’en est encore qu’à ses balbutiements, son intérêt artistique très limité, elle se résume pour l’instant à une fonction utilitaire, comme ces prises de vue sensationnalistes visant à remplacer peu à peu les gravures illustrant les quotidiens de l’époque, mais aussi clichés pornographiques vendus à prix d’or.
Car ce roman noir est aussi le théâtre d’une véritable enquête policière : dans ce Paris mouvementé, des filles disparaissent pour être exploitées. Droguées au laudanum, elles deviennent les pantins des perversions de certains. Caroline en sera victime. C’est alors à sa recherche que partiront Nicolas Bellec et Antoine Roques, Délégué à la Sûreté communale, déroulant sous nos yeux le paysage des rues parisiennes barricadées et bombardées, dans lesquelles tente de survivre une galerie de personnages animés d’une intense vérité.
Ce n’est pas le courage qui manque, mais quelques ordres logiques et un peu d’organisation. On a beau entonner La Marseillaise, ce chant révolutionnaire avant d’être hymne national, face à une armée de métier disciplinée, ils savent ces barricades de carton-pâte ne tiendront guère de temps, une fois libéré le torrent de fer et de feu qui ne manquera de les emporter. Ils ont fait un rêve et voulu le réaliser. Un rêve d’émancipation pour tous les laissés-pour-compte de l’humanité, pour les travailleurs, pour toutes les femmes. Mais quand le brasier s’enflamme, les heures volées à la fatigue et au désespoir partent en fumée. Cette parenthèse inespérée se colore alors d’un rouge qui n’est plus celui de la révolte mais celui du sang : la Semaine sanglante, ainsi que l’Histoire la nommera, fera des dizaines de milliers de morts du côté des insurgés.
Dans un cadre historique parfaitement restitué, appuyé par une intrigue haletante, Hervé Le Corre nous offre ici un roman noir et rouge passionnant. A lire ardemment !