Que viva Cristo Rey
Le 21 août 2022
L’histoire mexicaine revisitée par Hollywood. Du spectacle qui fait la part belle aux émotions faciles.
- Réalisateur : Dean Wright
- Acteurs : Andy Garcia, Catalina Sandino Moreno, Peter O’Toole, Bruce Greenwood, Oscar Isaac, Eva Longoria
- Genre : Historique, Film de guerre
- Nationalité : Mexicain
- Distributeur : Saje Distribution
- Durée : 2h23mn
- Titre original : For Greater Glory : The True Story of Cristiada
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 14 mai 2014
– Année de production : 2012
Résumé : En 1926, un soulèvement populaire secoue le Mexique suite aux lois du président Calles, qui interdisent toutes pratiques religieuses dans l’ensemble du pays. Des hommes et des femmes de tous horizons, les Cristeros, vont alors risquer leur vie pour défendre leur liberté et lutter contre les persécutions menées par le gouvernement. Une des pages les plus sombres de l’Histoire du Mexique.
Critique : Historiquement, le conflit Cristeros est une rébellion populaire de paysans contre le gouvernement mexicain, en réaction aux diverses lois anticléricales proposées par le président Calles, en 1926. La résistance s’organise d’abord pacifiquement, via un efficace boycott économique. Lorsque celui-ci échoue, un groupe de catholiques choisit le mouvement armé et se barricade dans une église. Leur massacre par le gouvernement constitue un acte de violence excessif qui mènera à l’insurrection nationale...
Plusieurs figures emblématiques émergent de ce conflit et seront les personnages centraux du film de Dean Wright : Anacleto Flores, instigateur du boycott ; des groupes de femmes, "Las Brigadas Bonitas", qui firent de la contrebande de munitions et de provisions ; Vitoriano « El Catorce » Ramirez, héros du peuple ; le prêtre « capitaine »Vega ; et surtout, le valeureux général Gorotiesta, qui transforma les différents groupes armés rebelles en une unique armée révolutionnaire.
Ce film mexicain emploie une équipe américaine pour donner un visage cinématographique à ces héros et martyrs, notamment Andy Garcia, dans le rôle de Gorotiesta ; l’acteur compose un personnage charismatique et pragmatique, même si sa portée est diminuée par une approche sentimentaliste qui jure avec son statut de stratège, un personnage coincé entre Oskar Schindler et le capitaine Miller du Soldat Ryan.
Ce film historique traité à la sauce américaine semble vouloir répondre à un besoin de catharsis, au nom de la mémoire collective. On peut y apprécier le caractère aventurier et épique de la représentation : ambiance de western fordien, batailles inspirées par Le Seigneur des anneaux, persécutions à la façon de La Passion du Christ... La musique elle-même, livrée par James Horner, illustre également ce besoin de ramener les faits historiques à quelque chose d’ universellement identifiable, grâce à moult effets artificiels mais reconnaissables. Le compositeur réutilise plus ou moins la partition agressive d’Avata (et Stalingrad), pour accentuer l’impact émotionnel de la tragédie.
En dehors d’une réalisation classique mais efficace, le rythme du film est donc particulièrement dynamique ; l’enchaînement continu de séquences au fort potentiel émotionnel sert de ciment à cette mise en scène de l’Histoire qui se veut ici spectaculaire. Le réalisateur agit moins pour illustrer une idéologie que pour susciter de l’empathie envers ces personnalités mexicaines méconnues des Occidentaux. À la réalité historique, il préfère un discours emphatique sur le courage et la détermination, qui ne fera pas l’unanimité, alors que le film s’oriente vers une dualité manichéenne entre les courageux révolutionnaires catholiques et la cruelle armée fédérale athée.
Il y a toutefois un point du film qui aurait pu servir d’idée intéressante, lorsque le réalisateur aborde les échanges commerciaux entre le gouvernement mexicain et les États Unis, plus précisément les conversations entre le président Calles et l’ambassadeur américain Morrow, au sujet d’hypothétiques droits d’exploitation sur le pétrole mexicain, contre de l’armement.
Cette tentative d’accord pour mater la révolution Cristiada par la force n’est répertoriée nulle part et semble être un ajout purement cinématographique ; elle aurait pu constituer un point de vue politique intéressant sur le conflit Cristeros en abordant l’interventionnisme américain.
Malheureusement, cette piste est désamorcée, une fois de plus, par l’entremise de sentiments.
La conclusion de cette théorie, à l’image du film, confirme que dans Cristeros, l’émotion prime sur la réflexion, comme souvent dans les grandes débâcles hollywoodiennes.
Beau succès en salle, le film a réuni 67.000 spectateurs français en cinq semaines, en se maintenant remarquablement, malgré une distribution en catimini.
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catherine 23 juin 2014
Cristeros - la critique du film
Bonjour,
ce que vous écrivez sur l’histoire est absolument extraordinaire. Les enjeux pétroliers et l’embargo américain sur les armes sont évidemment des faits historiques. Le pétrole est un enjeu inscrit dans la constitution de 1917, la même dont l’application va provoquer la révolte cristera. Les Américains vont soutenir le gouvernement qui promet de ne pas leur causer de tort sur la question du pétrole (le gouvernement du prédécesseur de Calles). Il faut aller faire un tour sur amazon (par exemple) et regarder les livres qui évoquent le sujet (La Cristiada, La rébellion des Cristeros, les deux de Jean Meyer, spécialiste mondial de cette guerre oubliée) ou l’article de Florian Michel, spécialiste d’histoire américaine (Sorbonne), dans le hors série d’Histoire du christianisme actuellement en kiosque, L’épopée des cristeros (article intitulé : "Les cristeros sacrifiés sur l’autel du pétrole"). Contrairement à ce que vous semblez penser Cristeros est un film très historique avec évidemment des décrochages fictionnels (la loi du genre !). C’est même une production chargée d’histoire et peut-être parfois un peu saturée (pour décontracter l’ensemble, le scénariste aurait dû prendre plus de libertés, il me semble). J’ajoute mais sans avoir le temps de m’étendre que le film n’est pas spécialement manichéen, ici encore l’histoire peut se révéler utile... Bref, bonnes lectures !
Emmanuel Soumet 23 juin 2014
Cristeros - la critique du film
Bonjour Catherine !
Votre remarque est juste, je me trompe effectivement en pensant que ces faits sont une création scénaristique, cependant je ne cherche pas à démontrer que ce que l’on voit dans le film est faux, loin de là, puisque comme je le dis également dans la critique, l’aspect pédagogique est réel et la plupart des faits relatés sont vrais malgré leur nature spectaculaire.
Je cherche simplement à inciter le spectateur à chercher au delà de la représentation de la Cristiada donnée par le film.
Par ailleurs, avez vous aimé Cristeros ? Vous semblez très bien connaître cette période.
Pensez vous que le film est un juste équilibre entre divertissement(au sens large) et précision documentaire ?