Le 16 juin 2015
Delmer Daves signe un western soigné, assez original, mais qui ne convainc pas tout à fait.
- Réalisateur : Delmer Daves
- Acteurs : Jack Lemmon, Glenn Ford, Brian Donlevy, Anna Kashfi, Dick York
- Genre : Western
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h32mn
- Date de sortie : 26 septembre 1958
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– Sortie blu-ray : le 24 juin 2015
Delmer Daves signe un western soigné, assez original, mais qui ne convainc pas tout à fait.
L’argument : Frank Harris souhaite à tout prix briser la monotonie de sa vie de réceptionniste au Grand Hôtel de Chicago. Il rêve de devenir cow-boy, mener une vie d’aventures dans de grands espaces. Aussi, lorsque Tom Reece, riche éleveur de bétail, fait une halte dans son hôtel, Harris saute sur l’occasion : il parvient - non sans mal - à le convaincre de faire partie du prochain voyage. Hélas, la vie de cow-boy n’est pas aussi attrayante que Harris l’imaginait...
Notre avis : Un an après 3h10 pour Yuma, Delmer Daves reprend les rênes d’un western, avec de nouveau Glenn Ford, et le même chef-opérateur, Charles Lawton Jr. Pour autant, il ne se répète pas et dirige son film vers des contrées peu explorées ; le regard qu’il porte sur le genre, toujours nouveau, l’amène à une réflexion qui a sans doute contribué à le démythifier. Le cow-boy n’est plus le héros sans peur et sans reproche, toujours propre, que le western classique présentait : Reece (Glenn Ford) annonce la couleur dans une entrevue avec Harris (Jack Lemmon), lorsqu’il bat en brèche la conception idéaliste rêvée par ce dernier. Et, de fait, toute une partie du film démontre la fin d’une vision édulcorée : Harris va apprendre, dans ce récit initiatique sombre, à s’habiller, à endurcir ses fesses ou à dormir en selle. Mais surtout, il va comprendre que la solidarité n’existe pas et qu’ « une vache vaut plus qu’un homme ». Dure leçon, que l’ex-réceptionniste prend en perdant son humanité, ce que le jeu de Lemmon traduit admirablement : gauche et naïf à l’hôtel, il devient un meneur d’hommes, mâchoire serrée et verbe sec.
Le ressort narratif, la romance avortée entre Harris et Maria, une mexicaine, importe alors moins que la partie quasi-documentaire sur la vie des cow-boys . Ce qui intéresse surtout Daves, c’est l’irruption d’un corps étranger dans un monde hostile ; il filme les hommes en groupes, souvent spectateurs, et garde des plans isolés pour les deux protagonistes qui s’affrontent en une inversion progressive des rôles. Harris, progressivement désabusé (voir la belle scène où il veut secourir l’un des vachers, ou celle dans laquelle il proteste quand on veut prendre les bottes d’un mort), s’endurcit au fur et à mesure que Reece s’humanise, les deux se rencontrant en quelque sorte à mi-chemin dans un final assez convenu. Le plus surprenant sans doute dans ce film pauvre en action est que le danger vient du quotidien beaucoup plus que de l’exceptionnel ; en effet, l’attaque des Indiens, tardive, se résume à une blessure (narrativement essentielle puisqu’elle laisse le champ libre à Harris), alors que la mort peut surgir d’un jeu (un serpent jeté, un taureau dans l’arène), ou du métier (les vaches dans le train). Au final c’est bien à une dédramatisation qu’on assiste, ou plutôt à une dramatisation décalée qui déplace les enjeux vers des situations a priori banales.
Loin des recherches formelles de 3h10 pour Yuma, Cow-boy s’ancre dans le réel et témoigne du solide métier de Daves. À cet égard l’attaque des Indiens, rapide et sèche, affirme une maîtrise qui n’a plus besoin d’être démontrée. Il garde en revanche son lyrisme pour la rencontre nocturne entre Harris et Maria, devant une église à contre-jour. De même son goût pour les personnages secondaires bien caractérisés se retrouve ici, avec l’ex-shérif désabusé qui finira par se pendre (référence à une histoire bien connue des westerns), ou Mendoza, qui sert de conscience à Reece et d’exégète au spectateur.
Ce film sobre, sans grandeur, et qui se termine à peu près comme il a commencé (la scène du bain et du cafard), est intéressant aussi comme jalon dans le questionnement sur le genre. On est encore loin du western spaghetti, mais déjà se dessine une remise en cause du héros, et ce dès le début, avec l’arrivée semi-parodique de Reece. Pour autant, on reste un peu sur sa faim : la tension paraît artificielle dans bien des scènes, et la métamorphose des protagonistes est attendue. Sans être indigne, Cow-boy n’égale pas les grandes réussites du genre et ne se hisse pas au niveau d’autres westerns de Daves, comme La Flèche brisée, 3h10 pour Yuma ou La Colline des potences.
Les suppléments
Comme d’habitude, Carlotta nous gâte ; outre l’inévitable bande-annonce, trois documentaires passionnants éclairent le film. La seconde partie de Delmer Daves par Michael Daves (la première se trouve sur le blu-ray de 3h10 pour Yuma) est un témoignage ému sur le réalisateur et les deux acteurs principaux, nourri d’anecdotes (11 minutes). Le second, Images de l’ouest rend hommage au travail du chef-opérateur Charles Lawton Jr (15 minutes). Enfin, c’est autour de la figure majeure de Saul Bass que tourne Comment marquer un film. Dans les trois cas, on apprend beaucoup et la passion des intervenants est contagieuse.
L’image :
La restauration 4K fait des merveilles sur l’ensemble du film et rend justice aux couleurs chatoyantes. Néanmoins, un grain subsiste dans de nombreux plans et quelques scènes demeurent ternes.
Le son :
Les deux versions (VO et VF) DTS-HD Master Audio 1.0 manquent légèrement d’ampleur mais restituent sans défaut ni souffle dialogues, musique et bruitages.
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