Catherine Frot illégale
Le 31 mars 2012
Polar sobre et bien mené, porté par l’interprétation tout en nuances de Catherine Frot, Coup d’éclat vient faire le point sur le cinéma social français et ses rapports avec l’actualité.
- Réalisateur : José Alcala
- Acteurs : Catherine Frot, Tchéky Karyo, Marie Raynal, Nicolas Giraud, Karim Seghair
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Français
- Durée : 1h32mn
- Date de sortie : 27 avril 2011
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Polar sobre et bien mené, porté par l’interprétation tout en nuances de Catherine Frot, Coup d’éclat vient faire le point sur le cinéma social français et ses rapports avec l’actualité.
L’argument : A Sète, Fabienne Bourrier, capitaine de police, passe la majeure partie de son temps à traquer les sans-papiers et clandestins de tous horizons. Sa routine policière est perturbée par la mort d’Olga, une jeune prostituée. Un suicide apparemment. Mais Olga était traquée et avait un fils, Ilan. Animée par un sentiment de compassion qui la surprend elle-même, Fabienne part sur les traces de l’enfant disparu.
Notre avis : Le cinéma français et francophone s’engage. La politique d’immigration actuelle, qui durcit de mois en mois le sort des sans-papiers sur notre territoire, crée un climat de colère indéniable et généralisé, notamment chez les intellectuels et les artistes. Au diapason de l’Indignez-vous de Stéphane Hessel, dernier carton des librairies, l’appel se répercute dans tous les arts, en particulier le septième. L’avantage d’un film de cinéma sur un discours politique, c’est qu’il peut aborder la question en biais, à travers des codes de fiction ou des personnages identifiables, et délivrer ainsi un "message" (ou un signal d’alarme si l’on préfère, terme sans doute meilleur) plus prégnant, et peut-être plus fort encore. La comédie n’échappe plus à la règle : en 2011, même la grosse farce sponsorisée EuropaCorp s’y est mise, avec le délirant Halal police d’Etat d’Eric et Ramzy, tandis que le vrai-faux docu La BM du Seigneur en a remis une couche sur la "question gitane", y ajoutant une touche de fantaisie brindezingue et de poésie brute, et que le Si tu meurs, je te tue d’Hiner Saleem (sur la communauté kurde de Paris) introduisait un peu de romantisme dans ce débat de brutes. Quelques exemples parmi d’autres de ces œuvres nombreuses et très différentes qui, chacune à leur manière, ont apporté de l’eau au moulin de cette actu chargée.
Coup d’éclat, quant à lui, s’inscrit plutôt dans la branche du polar social, teinté de tragique, où se placent aussi les récents Welcome de Lioret et Illégal du cinéaste belge Olivier Masset-Depasse, drames coup-de-poing bien enragés et vantés à leur sortie dans ces mêmes pages. Le genre policier a toujours été propice à la dénonciation, comme en témoignèrent les pamphlets de Costa-Gavras ou d’Yves Boisset dans les années 70. Trop modeste pour atteindre la puissance de ces modèles, Coup d’éclat diffuse tout de même sa petite musique, au gré d’une intrigue-enquête très classique. La flic Catherine Frot, après le suicide d’une jeune sans-papiers mouillée dans des affaires louches, se mue en Maigret au féminin en traquant les indices : détective sec, franc-tireur, à contre-courant de sa hiérarchie, elle s’ouvre progressivement à la compassion. Ce fil rouge, maîtrisé mais sans réels coups d’éclat, flirte parfois avec un faux naturalisme télévisuel à la Julie Lescaut, sans jamais y tomber cependant. José Alcala, dont c’est le deuxième long-métrage (le premier, Alex, était sorti en 2005 dans une relative indifférence), s’est déjà illustré dans plusieurs court-métrages documentaires, bonne école qui lui a visiblement appris la science de l’espace. Le cinéaste se révèle plutôt doué pour mettre en valeur, par exemple, les "non-lieux" d’une industrialisation française en voie de paupérisation et de déterritorialisation : usines abandonnées, ports désaffectés, terrains vagues semés de caravanes... Les causes et les indices d’un chômage galopant, qui touche toujours les mêmes personnes, comme on s’en doute. Le cadre languedocien de la ville de Sète, ici filmée sous son aspect le moins glamour, rappelle d’ailleurs La Graine et le Mulet de Kechiche, qui se déroulait au même endroit et traitait peu ou prou du même sujet, quoique sous un angle radicalement différent.
C’est à travers ce versant social, suggéré plutôt qu’appuyé (une scène-éclair montre les ouvriers musulmans de Sète faire leur prière dans un local exigu et plutôt miteux), que le personnage de Fabienne, d’abord affectée à la brigade des frontières, s’ouvrira à cet Étranger qu’elle pourchassait en début de métrage. José Alcala traite son revirement non sans finesse, principalement dans ses relations avec les autres. Avec sa mère d’abord, vieille malade un peu aigrie et aux idées anti-flic bien arrêtées (Liliane Rovère, très bien, qu’on a pu apercevoir notamment dans Le Fils de l’Epicier). Avec la jeune Carole ensuite, fille-courage prête à tout pour tenir ses promesses et protéger un enfant qui n’est pas le sien (la vibrante Marie Raynal, comédienne de théâtre et héroïne du premier long d’Alcala). Avec le mutique Kacem enfin, qui noue avec elle une semi-amitié un peu contre-nature, abordée sans aucune sensiblerie (l’impeccable Karim Seghair, plus habitué des cafés-théâtre où il se produit en one-man-show). Quant à Catherine Frot, crédible à chaque instant, dure et déterminée, elle confirme si besoin était qu’elle assure dans tous les registres, fussent-ils à contre-emploi. Le dénouement, sobre et âpre comme le reste du film, conclut "l’affaire" sur une note plus électrique, quoiqu’un peu rapide : Coup d’éclat (titre bateau et peu compréhensible par ailleurs) n’a pas assez de sa petite heure trente pour s’extirper de l’anecdotique et marquer autant les esprits que, disons, l’excellent Avant l’aube - autre polar à résonance sociale de ce début d’année, qui faisait preuve d’autrement plus d’ampleur. Cependant, la manière qu’a José Alcala d’aborder des thèmes de société délicats sans jamais tomber dans le prosélytisme, la facilité ou le larmoyant (dernier écueil que Philippe Lioret n’évitait pas tout à fait), mérite largement d’être signalé.
La bande-annonce : ICI
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