Le 7 décembre 2020
En 1990, Eric Rohmer inaugure un nouveau cycle, Les Contes des quatre saisons, qui continue d’investir la complexité amoureuse à travers des personnages indécis. Conte d’hiver se pose résolument sous le signe du pari pascalien, déjà à l’œuvre dans Ma nuit chez Maud.
- Réalisateur : Éric Rohmer
- Acteurs : Frederic Van Den Driessche, Rosette, Charlotte Véry, Hervé Furic, Michel Voletti
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h54mn
- Date télé : 7 décembre 2020 23:36
- Chaîne : TV5 Monde
- Date de sortie : 29 janvier 1992
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Résumé : Pour avoir confondu Levallois et Courbevoie, Félicie a perdu la trace de Charles, un amour de vacances de qui elle a eu une petite fille. Quatre ans ont passé. Elle hésite entre l’amour de Loïc un peu trop intellectuel à son goût, et celui de Maxence qui lui propose de le suivre pour Nevers. Elle accepte, mais n’est-ce pas perdre tout espoir de retrouver la trace de Charles qu’elle aime toujours ?
Critique : Félicie rencontre Charles au cours de vacances nimbées d’une douce lumière bretonne : la carte postale est tellement belle que Rohmer, expert en sentiments, fait défiler les plans là où d’autres se seraient attardés sur les invariants de la rencontre amoureuse et les paysages qui l’accompagnent : un chemin vicinal où l’on s’égare à bicyclette, un ponton que viennent lécher les vagues, une étreinte dans un lit. Les contempteurs du célèbre cinéaste en sont pour leur frais : point de logorrhées verbales, ni de marivaudages amoureux. Les jeux sont déjà faits, il s’agit de voir ce qu’il advient de la belle histoire. Le hasard (si présent dans Conte d’été) s’immisce pour miner la diégèse : Félicie quitte son amant Charles en lui donnant par erreur une fausse adresse. Cinq ans plus tard, on la retrouve dans les couleurs maussades d’un grand appartement où elle quitte Loïc, pour s’en aller travailler.
Rohmer le délicat devient Rohmer le balzacien, suivant la jeune femme dans un métro saturé ou la grisaille d’une vie parisienne, avant de la saisir dans les bras d’un autre homme, Maxence, patron d’un salon de coiffure. Entre Loïc l’intellectuel et Maxence le viril, Félicie hésite : mais sa spontanéité lui commande d’abord de choisir le second, puisque le premier lui paraît vivre une sorte d’existence par procuration à travers ses livres ou de byzantines discussions qui, chaque fois, l’isolent dans de pompeuses théories. Maxence est un terrien qui rassure Félicie : elle qui se juge « conne » (le terme est récurrent) trouve davantage de sécurité à fréquenter cet homme dont les projets sont à la fois très simples et très arrêtés : ouvrir un autre salon de coiffure à Nevers, emmener celle qu’il aime avec lui.
Elle le suivra donc avec sa petite fille, née de... Charles, seule trace tangible de ce qui fut et que l’esprit de la jeune maman ne peut se résoudre à voir disparaître. Animée par un mysticisme quasi aveugle et une fidélité sans faille, elle s’est promise de ne jamais aimer que lui. Dès lors, Maxence et Loïc ne constituent que d’aimables expédients, à moins qu’ils ne renforcent par leurs impossibles efforts et leur acharnement à tout promettre, la conviction initiale de Félicie qui mise sur l’Absent comme Pascal parie sur l’existence de Dieu. C’est Loïc qui osera l’analogie, sûr que la vie de cette femme n’a de sens que par cette conviction chevillée au corps. Il disparaîtra comme l’autre, abandonné à sa vie provinciale, prisonnier de son terne appartement où le marron domine.
Félicie, à la recherche de ces couleurs qu’elle a tant aimées, infléchit le destin : Charles et elle se retrouvent dans un bus, sous le regard interloqué de l’enfant. Happy end de bas étage ? Certainement pas. Si le couple enfin réuni regagne un espace qu’on devine quasi conjugal, il a maintenant à gérer ce qui jusque-là imprimait un sens à l’existence de Félicie : la recherche ininterrompue d’un bonheur. Que deviendront les amants qui se sont tant manqués ? Que devient le désir lorsqu’il est rassasié ? Prétendre qu’il s’agit là d’un film heureux, c’est oublier que les larmes de Félicie et celles de sa fille pleurent autant la perte d’une quête qu’elles célèbrent la satisfaction d’un idéal.
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