Coma - Bertrand Bonello - critique

Critique Sur un écran brouillé, hésitant, un homme parle à sa fille. Cet homme, c’est Bonello lui-même. Il offre à sa fille un projet de film dont le tournage a été plus complexe que prévu. Il y a dans cet échange beaucoup d’amour. Il y a aussi déjà beaucoup d’inquiétude, des frémissements de phrases qui racontent un monde proche du chaos, offert à nos jeunes générations comme un cadeau piégé. Le mystère est constant. Parle-t-il à une enfant dans le coma ? Parle-t-il à un enfant au bord de la naissance ? Le trouble est entier jusque dans le formalisme même du film qui mélange tous les genres et égare le spectateur dans un songe immense, nourri de réalisme.

Coma est le nom de famille étrange d’une influenceuse qui peuple le quotidien d’une adolescente, recluse par le confinement. Non seulement, l’adolescente passe ses journées à écouter les conseils en faveur d’une vie heureuse de la youtubeuse, mais cette dernière va jusque s’inviter dans les rêves anxieux de la gamine. Bertrand Bonello recrée ici, dans un essai aussi fulgurant que long, la psychologie complexe d’une jeune fille que le confinement forcé par la Covid-19 précipite dans un état de peur immense.

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Coma est une œuvre de cinéma absolument troublante et fascinante. Le spectateur doit se laisser porter par un environnement onirique où la réalité côtoie les cauchemars et la tyrannie du monde. La musique, très travaillée, accompagne une photographie soignée, sombre, quand elle ne donne pas naissance à des films d’animation. Bonello multiplie les dimensions narratives, passant d’une maison de poupée à des dessins animés restituant l’imaginaire de l’adolescente. En réalité, l’enjeu pour Bonello est de mettre en scène un monde qui s’ébranle sans jamais tomber dans la caricature du discours écologiste politique. Les températures augmentent sur une carte de France noircie par la pollution : les marées dévorent la terre, les glaciers s’ébranlent, les terres désertiques s’étendent ; les adolescents, promis à un avenir incertain, s’égarent dans une anxiété maladive généralisée.

Les spectateurs diront qu’on ne comprend rien à cet essai fantasmagorique. Pourtant, le message est évident. L’enjeu pour Bonello est de parler d’une jeunesse qui peine à trouver le désir de vivre dans un monde au bord du chaos. Le confinement apparaît presque comme un détail. Et pourtant, insidieusement, dans la solitude forcée des chambres des adolescentes, la mort s’invite comme une prêcheuse de mauvaise augure.