Les copains d’abord
Le 25 décembre 2013
Coffret hommage regroupant 5 films cultes du cinéaste John Cassavetes. L’occasion pour tous de (re)découvrir un cinéma-réalité qui a su redonner ses lettres de noblesses au métier de comédien.
- Réalisateur : John Cassavetes
- Acteurs : Gena Rowlands, Peter Falk, Ben Gazzara, Seymour Cassel
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Mélodrame
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Orange Studio
- Durée : 8h00 environ
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– Shadows, 1959
– Faces, 1968
– Une femme sous influence, 1974
– Meurtre d’un bookmaker chinois, 1976
– Opening night, 1978
– Sortie du coffret prestige en Blu-Ray, DVD et VOD le 26 novembre 2013
L’argument : Pour la première fois 5 films cultes de John Cassavetes réunis dans un coffret contenant la version Blu-Ray et la version DVD : Shadows, Faces, une femme sous influence, Meurtre d’un bookmaker chinois et Opening night.
Notre avis : L’éditeur Orange Studio offre l’occasion de (re)découvrir l’œuvre du cinéaste John Cassavetes qui bouleversa le cinéma américain. Il est le père du cinéma indépendant qui, libéré des doctrines du cinéma hollywoodien, apporte un nouveau regard sur l’intimité de la classe moyenne américaine. Lorsque le spectateur regarde les films de Cassavetes, il a l’impression de visionner toujours le même film. Les acteurs sont souvent les mêmes, ils font partie de cette famille dont il a su s’entourer. Les personnages se ressemblent, ont évolué et pourtant le scénario n’est jamais le même. Voilà bien la signature d’un véritable artiste, disparu trop tôt à l’âge de 59 ans en 1989 d’une cirrhose du foie dû à son alcoolisme. Toujours présent dans chacun de ses films, à la source de son génie torturé, l’alcool y joue un rôle important même s’il est secondaire.
On retrouve dans ce coffret son premier long-métrage Shadows, seul véritable film où il laisse une part grande à l’improvisation, même si l’on a parfois cru que ses autres films suivaient la même méthode. Ce film est dans l’histoire du cinéma américain le premier à s’affranchir des règles et à faire abstraction du code Hays. Les acteurs boivent de l’alcool sans pour autant être saouls, on fait l’amour hors mariage, on mélange “les races“. Shadows filme la réalité des nuits des rues de Greenwich Village sur fond de clubs de Jazz. Une espèce de prémices avant l’heure, mais aux couleurs new-yorkaises, du film de Stanley Kramer Devine qui vient dîner ?
Autre film présent dans ce coffret qui est aussi une œuvre à part, Meurtre d’un bookmaker chinois. Une sorte de policier porté par l’un des amis et acteurs incontournables de Cassavetes, Ben Gazzara qui joue un patron d’une boîte de strip-tease. Cet homme issu de rien, a réussi à bâtir un établissement dont il est fier. Ses employés ne sont pas de simples salariés, c’est aussi une famille qu’il s’est choisi. Cette indépendance est menacée par une dette de jeu qu’il doit à la mafia. Allégorie de Cassavetes qui se bat pour chacun de ses films afin de garder sa liberté d’auteur, le menant plusieurs fois à hypothéquer sa demeure pour avoir les moyens de financer la réalisation du film dont il a écrit le scénario. Car contrairement en France, où le réalisateur reste maître de son film, où le droit d’auteur y a tout son sens, aux États-Unis, c’est le producteur qui a le dernier mot. Il peut entre autre, amputer le film, au détriment de la vision de son metteur en scène. Ce que peuvent parfois connaître certains européens peu adeptes de ces pratiques, qui se retrouvent alors démunis face à une telle situation (Le réalisateur français Olivier Dahan dont la sortie prochaine Grace de Monaco est actuellement au cœur d’une polémique car il reproche à son producteur américain Harvey Weinstein d’avoir lissé l’histoire). C’est pourquoi de nombreux réalisateurs américains qui veulent maintenir leur indépendance dans l’écriture et la mise en scène, sont aussi eux-mêmes producteurs de leurs propres oeuvres.
Dans chacun de ses films, Cassavetes semble se dévoiler à son spectateur. Il est en parfaite fusion avec son âme sœur : son épouse, la belle et très grande actrice Gena Rowlands capable de retranscrire ses maux et ses questionnements du monde qui l’entoure. Dans une interview, Gena Rowlands répondait à un journaliste, que si il avait vu un film d’elle, il savait alors tout d’elle. Mais on peut tout aussi dire, la même chose de Cassavetes. Il s’interroge sur la vie de couple dans Faces, dans Une femme sous influence l’action se situe aussi au sein d’un foyer. Mabel, l’épouse, est une femme qui semble ne pas être totalement saine d’esprit, car elle est différente de ce qu’attend d’elle la société : “trop sensible“, “trop proche des autres“. Ce portrait n’est pas seulement celui d’une femme incapable de trouver sa place dans la société, mais aussi le reflet de son auteur. Gena et John révèlent leur génie, l’un par la qualité d’interprétation, l’autre par son talent d’écriture et de metteur en scène avec la volonté de toujours laisser l’acteur être au cœur même du film, laissant de côté les aspects techniques du cinéma.
John Cassavetes, le comédien, n’est ici présent que dans Opening night sorti en 1978 aux Etats-Unis, et découvert en France en 1992. Il y interprète un acteur de théâtre donnant la réplique à une actrice arrivant à un tournant de sa vie. Une femme, qui, l’alcool aidant, se met à divaguer sur sa qualité d’actrice à en perdre presque la raison. Cette folie créatrice n’est autre que la propre créativité de Cassavetes, une sensibilité capable de mettre en image les maux que d’autres n’arrivent pas à exprimer. Opening night est sans doute le meilleur de ses films, il réussit à retranscrire ce qu’est être un artiste : la création naît dans la part obscure de son auteur. Cette créativité n’est accessible que lorsque l’on atteint une certaine déchéance, mais pour se faire il faut à la fois être suffisamment clairvoyant pour y puiser la vase nécessaire à l’inspiration et être capable de se relever pour la transmettre aux autres. La fiction ici rejoint la réalité, où l’alcool aide son auteur à basculer vers les affres de ses tourments, sans doute accompagné dans cette descente par son épouse, complice à la ville comme à l’écran.
Le spectateur d’aujourd’hui est pressé, il est habitué à surfer, à passer d’une envie à une autre très rapidement. L’œuvre de Cassavetes prend au contraire tout son temps pour s’installer. Les histoires, les tensions, la psychologie des personnages sont d’une importance vitale à Cassavetes. Aussi, le spectateur peut parfois sentir une certaine longueur, il lui faut donc se réhabituer à une autre forme d’écriture, mais passé cet aspect un peu abrupt, Cassavetes réussit à l’emporter dans son monde et à le faire se questionner.
Les suppléments :
SHADOWS :
– introduction de Patrick Brion(5′)
– Présentation du film par Alain Corneau (14′)
– Interview de l’actrice Lelia Goldoni (12′)
– Interview de Seymour Cassel (4’30)
– Bande-annonce (3′)
FACES :
– introduction de Patrick Brion (5′)
– Présentation du film par Jean-François Stévenin (14′)
– Interview de Seymour Cassel (47′)
– Document « Lighting and Shooting » (12′)
– Making of (42′)
UNE FEMME SOUS INFLUENCE :
– introduction de Patrick Brion (5′)
– Présentation du film par Patrick Grandperret (13′)
– Conversation entre Gena Rowlands et Peter Falk (17′)
– Interview de John Cassavetes par Michel Ciment et Michael Henry Wilson (76′)
– Interview de Elaine Kagan, assistante de Cassavetes (19′)
– Bande-annonce (3′)
MEURTRE D’UN BOOKMAKER CHINOIS :
– introduction de Patrick Brion (5′)
– Présentation du film par Claude Miller (10′)
– Conversation avec Ben Gazzara et Al Ruban (18′)
– Scènes commentées par Peter Bogdanovich et Al Ruban (52′)
– Interview de John Cassavetes par Michel Ciment (17′)
OPENING NIGHT :
– Introduction de Patrick Brion (5′)
– Présentation du film par Xavier Durringer (6′)
– Conversation entre Gena Rowlands et Ben Gazzara (23′)
– Interview de Al Ruban, producteur (17′)
– Interview de John Cassavetes par Michel Ciment (30′)
– Bande-annonce (5′)
Le coffret regroupe pour chacun des cinq films, un DVD bonus où des cinéastes et spécialistes apportent un nouvel éclairage sur l’univers de Cassavetes afin de le rendre plus accessible pour le spectateur. On retrouve également une interview du cinéaste par le critique de cinéma Michel Ciment qu’il avait rencontré lors de son vivant. Et pour finir, on retiendra les conversations des acteurs de l’époque, où l’émotion et la complicité perdurent avec le temps. Le réalisateur y est ici décrypté voire vénéré.
L’image :
Les films sont pour la première fois édités en Blu-Ray et par la même occasion, connaissent une restauration. La définition des deux films en noir et blanc que sont Shadows et Faces est améliorée, mais ne rencontre pas la qualité de la restauration récente des Enfants du Paradis de Marcel Carné, sans doute cela est-ce dû aux moyens de l’époque. Rappelons que Cassavetes, par nécessité budgétaire, allait jusqu’à développer lui-même ses bobines dans sa salle de bain.
Concernant les trois autres films qui sont eux en couleurs, il n’y a rien à dire. La qualité est au rendez-vous.
Le son :
Le cinéma de Cassavetes est essentiellement axé sur les dialogues. Le son est clair et propre, mais n’est pas spécifiquement élevé. Il y a un réel écart entre la musique du menu du Blu-Ray qui monte haut et le niveau sonore du film lui-même. On montera donc le volume pour mieux entendre.
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